LUGOSI – inconsolable
Sortie : 18 novembre 2022
Labels : POGO Records / Out of Thunes Records
10 titres, 42 minutes
« Bon, il sort quand votre album? » « Et sinon, y’aura moyen d’écouter ça sur disque, ou on va juste continuer à s’agiter dans le noir en regardant Pieriv suer et nous cracher à la gueule? » « Vous connaissez le sens du terme arlésienne? Je ne parle pas du gentilé. » « Ou tu le sors ou je te sors, va falloir prendre une décision! » « Votre orchestre, là, il va finir par s’appeler Lugono. »
Voilà, résumée en quelques mots et saillies toutes plus tordantes les unes que les autres, l’insistante musique servie aux membres de Lugosi ces dernières années (on était à deux doigts de sortir le carbone 14 pour dater l’émergence de leurs premiers titres, alors que leur EP éponyme n’a que 5 ans).
Ouvrant la marche à bien d’autres fans, ceux qui connaissent les talents composant le combo parisien et leur potentiel (je lève l’index droit bien haut) ont su faire preuve de patience. Elle est aujourd’hui récompensée. Enfin, « aujourd’hui »… L’album est sorti le 18 novembre dernier. Comme Lugosi, je pratique la maturation longue. Bref.
Urgence et contrepied
Bref, les plus chagrins/gourmands peuvent penser qu’« inconsolable » l’est aussi, avec moins de 43 minutes au compteur. Si on se réfère à un autre grand album de fin 2022, l’incroyable « Gris Klein » de Birds in Row, on peut aussi se dire que c’est une bonne durée pour développer son propos.
Si la notion d’urgence imprime l’essentiel des 10 titres d’« inconsolable », c’est que Lugosi n’a pas de temps à perdre, ni celui de se perdre. Sans contresens et avec un vrai sens du contrepied, le groupe ne perd jamais l’auditeur. Mieux, il s’emploie à le surprendre. Comme les cinq doigts d’une main qui se ferme volontiers en poing levé, chaque membre du combo se livre sans compter et nous malmène, tout en nous voulant le plus grand bien.
Coucou Balou
« Inconsolable » nous fait passer d’une rive musicale à une autre, oscillant avec adresse entre une base punk hardcore, des élans stoner et roc(k)ailleux bien « muddy », de brillantes incartades très « math », pour ne citer que ces trois composantes notables.
Fugazi, Refused et KEN mode déboulent lorsqu’on réfléchit à de possibles influences bien digérées. On pense naturellement à de grands frères oeuvrant dans la veine chaotique (mais pas que), comme Converge (coucou le riff bien Balou à partir de 1m56 sur The Naked King, Pt.1) ou ce que pouvait proposer Botch (j’aimerais tant conjuguer ce groupe au futur…), aussi à la générosité stylistique et à l’appétence pour les cassures rythmiques des regrettés These Arms Are Snakes.
Alors, à quand la suite?
Bilan de x écoutes : c’est riche, ça tricote bien, c’est dynamique as fuck, ça cause de choses qui font mal et/ou font réfléchir, ça peut émouvoir également, par exemple avec le magnifique « Maskenfreiheit » qui clôt l’album d’une belle manière…
Alors oui, le ciel est bas et gris, ça saigne, ça crame et ça explose un peu partout sur la planète, ça fouette aussi un peu (beaucoup) sur les réseaux sociaux et quand tu tapes 1 puis 6 sur ta télécommande, tes doigts sentent immédiatement la merde (bah arrête). Le remède à tout cela est bien emballant et bien emballé (bel artwork) : il s’appelle « inconsolable » et ça valait le coup de l’attendre. Comme ça vaut le coup d’aller voir ce que ça donne sur scène, par exemple ce vendredi 13 janvier à l’International (Paris). Ce sera l’occasion de demander : « Bon, il sort quand votre prochain album? »
Track listing :