NIGHTBRINGER – Terra Damnata
Sortie le 14 avril 2017 via Season Of Mist
Naas Alcameth (chant/guitare et basse)
Ophis (chant/guitare)
VJS (guitare et batterie)
Ar-Ra’d al-Iblis (chant)
Menthor (batterie)
Norgaath (basse et chant backing)
La présentation officielle du cinquième album de la formation nord américaine est ainsi libellée : ” Nightbringer est un passage vers la contemplation des mystères de la mort dans la pure tradition des arts magiques “.
Le ton est donné !
Le groupe du Colorado, vous l’aviez compris, baigne dans l’occultisme avec des références ésotériques multiples.
A l’instar de son inspiration principale, celle de l’Egypte ancienne où l’art magique dont il se revendique consistait à embellir les tombeaux des défunts, non pas pour donner à voir, puisque, par définition, les tombeaux n’étaient jamais ouverts, mais pour accompagner dignement l’âme vers l’au-delà, la musique de Nightbringer n’est pas forcément conçue pour plaire mais pour transcender l’âme.
Dans la philosophie du groupe, elle est un outil au service d’un culte dont on a du mal à percevoir les contours.
Pour nous, en tout cas, c’est du black de la plus belle noirceur et comme tout black qui se respecte, on accède pas à la révélation du premier coup. Etre élu parmi les adeptes se mérite après un long parcours d’initiation.
C’est donc écoute après écoute qu’on se fera davantage une idée.
Terra Damnata commence sur le titre « As Wolves Amongst Ruins », qui nous dévoile d’entrée de jeu la couleur du son du groupe : c’est clairement du black métal.
Naas Alcameth, fondateur du groupe en 1999 avec Nox Corvus parti aujourd’hui vers d’autres aventures, n’a jamais caché ses influences qui lorgnent sans ambiguïté vers le black scandinave ( Emperor, Dark Funeral ) mais qu’il désigne comme de la seconde génération ( Watain, Deathspell Omega ).
Et pour être certain de ne pas se tromper, Nightbringer était venu réclamer l’apostille européenne à Season of Mist, le label français qui a largement fait ses preuves dès 2014 à l’occasion de la sortie du précédent opus ” Ego Dominus Tuus “.
Même si on retrouve la production dans la sous branche”activist underground”, c’est précisément pour se démarquer de l’étiquette par trop ” underground ” et par trop nord américaine, que Nightbringer avait souhaité sortir des grottes de son Colorado natal.
On y retrouve les ingrédients habituels : batterie agressive, chant torturé , et les guitares dark à la résonance très éloignée des sons lissés de certains groupes récents.
Mais Nightbringer se démarque en apportant un petit lot d’originalités. On retrouve dans ce premier titre une sorte de chant semi-parlé, et des interludes de guitare qui sonnent « néo-classique ».
La composition alterne entre rythmique rapide et son général très pesant avant de complètement trancher pour nous proposer une sortie écrite pour orgue et piano, qui souligne davantage le côté sombre de cette musique.
Ce premier titre est donc une heureuse réussite qui nous faisait présager un album innovant, “deuxième génération”, comme annoncé par Naas.
On ne pouvait donc s’attendre qu’au meilleur.
Malheureusement, la suite déçoit un peu. Les trois titres qui enchaînent : « Misrule », « Midnight’s Crown » et « Of The Key And Crossed Bones » ne retiennent pas notre attention et, pour être honnête, ne sont pas à la hauteur des promesses escomptées après la belle entrée en matière. Il s’y dégage une impression de redondance bien lourde, même si cela est le propre du son black. Nightbringer s’appesantit trop longtemps sur le tempo.
Pourtant, les musiciens ne manquent pas de créativité ; Naas Alcameth (chant/guitare et basse), Ophis (chant/guitare), VJS (guitare et batterie), Ar-Ra’d al-Iblis (chant), Menthor (batterie) et Norgaath (basse et chant backing) sont très talentueux et disposent d’une grande technique. ils l’ont prouvé dans certaines occasions, notamment par l’étonnante composition du premier titre mais le son général est toujours le même et la construction des titres est toujours similaire, plutôt pauvre en définitive.
Heureusement, Nightbringer se reprend au 5° titre. Let Silence Be His Sacred Name, rompt singulièrement avec cette similarité. Son intro au piano, sombre et mélancolique est surtout très belle. Des interludes de guitare tranchent bien.
En revanche, les parties brutales retombent dans les mêmes travers que tous les autres titres. Les compositions qui suivent, respectivement Inheritor Of A Dying World, The Lamp Of Inverse Light et Serpent Sun reviennent à la construction classique des morceaux.
Le sentiment de lourdeur est sans doute accentué par la durée de l’album. Tous les titres de cet album dépassent les 6 minutes à part le premier, allant même jusqu’à 8 minutes 30. L’impression générale est que cet album traîne énormément après un début prometteur.
Au final, le dernier titre ne se révèle pas plus original et ne conclut pas forcément sur une bonne note… On reste sur notre faim à la sortie de cette heure de black métal…
C’est bien dommage tant les promesse dévoilées d’emblée laissaient augurer de bons présages et entrevoir comme annoncé une nouvelle génération de black métal, résolument orignal. Pourtant Nightbringer est capable de telles prouesses comme il le démontre par ce premier titre et à quelques rares autres passages de l’album. Reste que le groupe a un réel sens de l’écriture et ses textes sont plus qu’intéressants, traitant de propos philosophiques à de nombreuses reprises, et de littérature ésotérique.
Par ailleurs, on le sait, Nightbringer s’investie à fonds dans les postures et le graphic art qui est, il est vrai, remarquable. Mais à trop vouloir en faire, le groupe a un peu corrompu le rendu. Le débat demeure : La musique doit elle servir la cause ou l’inverse. Pas définitivement clos pour certain, semble t’il, notamment dans la branche Black. Il nous avait semblé que la seule cause qui devait l’emporter était celle de la catharsis que procure le métal à ses fans. Point barre ?
Nightbringer doit revenir à ces fondamentaux car ses musiciens sont tous talentueux. Ils maîtrisent très bien le son black et on peut constater par moment que Nightbringer crée, ce qui est le propre d’une formation en devenir.
Au final, Terra Damnata qu’on nous a vendu comme une nouvelle incantation du black métal s’est enlisé et sonne comme un antienne qui s’éternise pour n’en plus finir.
Nightbringer gagnerait à se dépouiller de certaines lourdeurs et à insister sur ses points forts, incontestables : écritures originales et compositions innovantes : le nouveau souffle du black passe certainement par là…
Dommage pour ce groupe qui sait si bien composer…