Among The Living
Interview

Entretien avec Arnaud, poly instrumentiste du groupe MAGOYOND

Entretien avec Arnaud (alias Aspic), poly instrumentiste du groupe MAGOYOND pour parler de leur dernier opus Kryptshow.

Magoyond


Bonjour, nous nous rencontrons pour la première fois, je ne vous connais que musicalement donc je vais te laisser te présenter s’il te plait.

Bonjour, je suis Arnaud, alias Aspic dans Magoyond. Avant j’étais aux claviers, et depuis 2009 j’y suis toujours un peu, mais en live je suis bassiste car nous avons mis les claviers sur magnéto. En fait ce ne sont plus vraiment des claviers mais des arrangements parfois un peu démesurés qu’il est très bien d’avoir en magnéto plutôt qu’en clavier car on est limités à deux mains lorsqu’on joue en fait. Du coup cela nous libère un peu. C’est moi qui saupoudre tous les arrangements imaginables sur la musique. Je suis le seul musicien professionnel du groupe. Les autres sont soit graphistes, directeurs artistiques ou chef opérateur.

D’accord ! C’est un milieu d’intermittents du spectacle au final. Vous vous êtes rencontrés comment ?

Par internet. Je composais des trucs un peu dans le style orchestral. Cela remonte à 2008. A l’époque avec Le Mago on traînait sur des forums de trucs un peu Geek de saga MP3 et de web series et il est venu me voir pour que je mette des orchestrations dans une des chansons du groupe qui était un peu vide sans orchestration effectivement. Alors j’ai fait des orchestrations, des morceaux de piano etc… et évidemment en live il fallait les refaire lorsqu’on a commencé à faire des concerts une fois qu’on a eu trouvé un batteur et un guitariste. On est tous à peu près de Paris.

Votre premier opus date de 2012, puis vous avez sorti un EP tous les deux ans

Oui, par contre le but n’était pas vraiment de sortir un EP mais plutôt d’essayer de continuer de ficeler ce qu’on propose parce qu’on a un univers très riche qui oscille entre le metal, le symphonique, le rock, la chanson donc plein d’ingrédients. C’était assez difficile parce que plein d’ingrédients cela ne fait pas forcément un bon plat si ce n’est pas bien géré. On a mis six ans à mettre tout cela dans des chansons qui soient écoutables pour une majorité de gens et que cela soit accessible. Parce qu’on est persuadés que cela peut plaire à beaucoup de gens, mais encore faut-il qu’ils réussissent à rentrer dedans.

Ça c’est amusant parce que quand j’ai reçu votre album, à la première écoute du premier morceau j’étais un peu dubitatif. Je me suis demandé ce que c’était que ce truc. Et puis on écoute et on ré-écoute et puis ce n’est pas vraiment qu’on s’y fait, mais vous arrivez à capter l’oreille. Vous êtes des saltimbanques ?

On est les Monsieur Loyal de notre univers c’est vrai. C’est ce qu’on est sur scène et même dans le concept. On raconte des histoires d’où le nom « Kryptshow », c’est un peu « Les Comptes de la Crypte », les spectacles de monstres. Donc on raconte des histoires, on les met en musique et on les expose de manière un peu plus théâtrale forcément pour le frontman, parce que quand tu chantes des trucs comme ça il faut mieux le faire avec un peu plus d’implication. Un côté très Rammstein qui est aussi dans la même implication du frontman dans ce qu’il raconte, et avec derrière une grosse masse de musique qui sert la chanson.

Alors justement, vous avez un côté très cinématographique ou théâtral en fait. Dans la musique cela se ressent tout de suite, on rentre dans un univers très bruité. Comment est-ce que vous restituez cela en live ? Est-ce que vous êtes satisfaits de ce que vous pouvez proposer ? Evidemment après c’est aussi un problème de moyens j’imagine.

Tout à fait ! En live en est costumés, parfois maquillés, mais le problème c’est qu’on ne peut pas trop charger cet aspect là parce que derrière il faudrait un gros light show, des décors, des figurants si on veut faire les choses bien et évidemment cela représente des moyens gigantesques. Donc on préfère jouer la carte du « normal » sauf qu’on balance une musique gigantesque. C’est vrai qu’il y a un côté un peu démesuré, un peu mégalo dans les orchestrations et dans la manière de raconter les chansons. Et ça marche bien de rester juste costumés et de balancer ça, c’est encore plus saisissant. Si on ajoutait des décors un peu moyens ça ne serait pas convainquant. L’aspect musical est trop léché. C’est simple de faire des gros trucs en musique parce qu’il n’y a que le son ; on s’imagine les images. Si on veut un grand orgue, voilà, c’est bon, par contre jouer dans une salle de concert avec un orgue, c’est carrément autre chose. Pareil avec un orchestre symphonique c’est facile à programmer, mais en avoir un vrai c’est d’autres moyens ! Donc on laisse l’imagination des gens leur faire leur propre spectacle de krypt-tout ce qu’on veut. On a quelques visuels pour les aider, leur dire « bon maintenant il faut allumer les neurones et fermer les yeux ».

Quelles sont vos influences ? Vous êtes tous assez différents !

C’est très divers en effet, mais bon, on se retrouve sur certains trucs mais chacun va faire des réponses différentes. Moi forcément vu que je suis un « classiqueux », j’ai plus d’influences de ce côté-là y compris dans la musique baroque puisque je joue de la musique baroque professionnellement. Mais aussi en musiques de films toutes les musiques de films bien écrites qui tendent un peu vers le classicisme que ce soit John Williams, Michael Giacchino, même Hans Zimmer, tout cet univers de musiques de films construites et qui ne soient pas juste des nappes en fond pour accompagner ce qui est finalement la grande mode dans les films où il n’y a plus vraiment de musiques intéressantes. Bien évidemment j’ai écouté du metal plus ou moins prog pendant l’adolescence du genre Dream Theater, ou du metal moderne comme du Tesseract, du Texture ; tout cet aspect un peu prog et complexe. Il y a une influence un peu différente chez Le Mago, le chanteur, qui est plus Rammstein, cela s’entend. Il adore Metallica également, et cela se voit car c’est un peu un mélange entre Devin Townsend et James Hetfield sur scène. Vito lui adore les trucs à la Slash, mais on sent dans son jeu de guitare qu’il est mélangé avec du metal moderne. Il est un peu groovy mais moderne quand même. Pareil pour Bruno le batteur : c’est un mélange de plein d’influences. On ne cherche pas spécialement à se catégoriser. De toutes façons c’est impossible il y a trop d’ingrédients. On sait qu’on ne rentre pas dans une case et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on s’est créé notre case et on a inventé « Monster metal ».

 


MAGOYOND – Kryptshow


Et vos références cinématographiques par rapport à tout cela ?

C’est divers et varié. Vito dirait le Dracula des années 30, « Shaun of the Dead » pour le côté rigolo zombie ; tous ces films de série B aussi, et forcément les classiques de la polyculture comme « Le Seigneur des Anneaux », les « Matrix » et tout. Après, ce n’est pas forcément utile d’avoir des références cinématographiques quand on fait de la musique parce qu’on n’a rien à mettre en scène visuellement. En fait, au final, chacun se fait son propre film selon ses influences. Il y a aussi un côté Tim Burton jeune, même un côté Disney !

Et donc au niveau des titres la composition avec une dimension clairement orchestrale, épique avec des titres comme « Chimera » qui contrastent avec d’autres comme « La Rumeur » qui est hyper cognée,

Oui mais c’est pareil il y a un orchestre épique dedans. C’est un ingrédient

Oui mais c’est effectivement juste un ingrédient, il n’y a pas que cela ; dans « Le Magasin des Suicides » il y a carrément un côté jazzy, comment organisez-vous tout cela ?

Rires ! Et bien ce n’est pas facile. On a de bons exemples comme Diablo Swing Orchestra qui mélange huit styles dans une chanson, ça part dans tous les sens mais la chanson est hyper cohérente et hyper bien construite. Devin Townsend fait également cela très bien. Ce sont un peu les OVNIS stylistiques. Leprous aussi réussi à avoir son univers. « Le Chapiteau des Supplices » a été relativement facile à écrire par contre d’autres sont plus difficiles à caller parce qu’il y à l’idée de base et puis ensuite il faut coller les paroles qui ont été faites en amont. C’est très compliqué. Soit on fait la musique autour des paroles mais on risque de juste accompagner le chant ; soit on fait de la grande musique et après on essaye d’insérer les paroles mais c’est super dur parce qu’il faut que cela reste cohérent. Maintenant on s’est libérés de la contrainte de devoir tout reproduire au clavier et cela aide beaucoup.

Vous avez fait le choix d’un financement participatif, vous êtes auto-produits à tous les niveaux ?

Oui mais de toutes façons on n’avait pas trop le choix, parce que pour qu’un label investisse de l’argent sur un groupe, il faut que le groupe ait l’air bankable. C’est vrai qu’on a la chance d’avoir une communauté qui vient pas mal d’internet et qui est très fidèle : on a fait 100 % du crowdfunding en trois heures tout de même ! C’est-à-dire 8.000,00€ en trois heures c’était incroyable ! On a même dépassé ce palier et on a pu sortir un vinyle, un double album digipack, un CD bonus avec le CD principal et du coup on n’avait aucune contrainte à part faire de la qualité parce qu’on a tout de même des fans qui nous ont donné 20.000€ pour faire ça ! Maintenant on a enfin les moyens de faire ce qu’on veut donc faisons-le ! On est vraiment restés dans l’auto-produit maison vu que c’est moi qui ai mixé l’album, on a délégué le mastering à une pointure Tony Lindgren en Suède qui travaille avec Jens Brogen et qui a fait Opeth, Sepultura, du Leprous aussi. Ils ont fait tout ce qu’il fallait pour avoir les clés, ils ont fait un boulot monstre. Ils ont bien discipliné tout le son pour que cela ait l’air normal alors que c’est un petit truc diabolique, c’est un gros bazar organisé cet album. Mais oui, on est restés maîtres de notre façon de sonner. Même les featurings ce ne sont que des amis, des gens qu’on connaissait et qu’on savait qu’ils pourraient faire ça et que ça enrichirait. On a mis plein de vrais instruments, je joue plein de trucs dedans : je joue de l’orgue ; au tout début du « Chapiteau des Supplices » c’est un vrai orgue on entend le bruit quand je l’allume et que je l’éteints. Je joue aussi du clavecin dans « Le Magasin des Suicides », du piano, un peu de basson. On a juste fait la batterie en VST, en numérique parce que c’est tellement devenu la norme dans les productions de metal actuelles seulement un album sur dix a de la vraie batterie. Et encore il faut que ce soit une batterie à 10.000 € ultra bien accordée dans un super studio avec un super ingé son spécialisé et des super micros, et on ne pouvait pas se permettre. Sans compter qu’il faut faire bosser le batteur pendant deux semaines avant ! Ça reste vraiment un truc hyper pointu d’enregistrer une bonne batterie, donc on a préféré la programmer. Ça sonne très bien et je pense que cela ne s’entend pas que c’est programmé, ce n’est pas gênant. Les guitares on les a réampées donc il y a du vrai ampli quand même. Voilà, cela reste bien artisanal. On a délégué l’illustration à une paire d’illustrateurs qui s’appelle Arsenic et Boule de Gomme qui étaient déjà à la base dans un univers proche et qui font plein de trucs de monstres semi rigolos semi creepy, et ils ont très bien compris ce qu’il fallait faire. Ils nous ont fait une proposition et c’était parfait. C’était exactement nous et c’est ce qu’on voulait.

C’est vrai que cela colle bien.

Ça nous a aidés à nous définir aussi. C’était une bonne collaboration à ce niveau-là.

Pour le titre éponyme vous avez fait le choix d’un instrumental qui est magnifique

On avait déjà fait cela pour « Pandemia », on avait un instrumental qui s’appelait « Pandemia » dans le précédent album. C’est un peu une lubie du Mago qui voulait un instrumental éponyme.

Et là vous avez tout de même sorti un double album avec l’album normal et le même en version instrumentale derrière !

Oui, on pouvait ! On a un tel travail d’arrangements et d’ambiances que ce serait dommage de ne pas en profiter. C’est un bon bonus. Ça enrichie, on entend des choses qu’on n’aurait pas entendues sans cela. On avait la place sur le CD, comme cela il fait pile le temps règlementaire.

Et du coup le fait d’avoir remis tous les titres de l’album en instrumental sous forme de bonus c’est parce que vous aviez la place ?

Oui ça rentrait, et depuis six ans on avait une bonne dizaine de fans qui nous avaient demandé de sortir telle ou telle chanson en instrumental pour la chanter avec… la chorale du lycée, des amis etc… Donc autant les sortir direct en instrumental, les donner à tout le monde. Plutôt que de la sortir juste sur internet. Le format CD est tellement en perdition que pour acheter un CD autant avoir un bel objet qui soit cool à manipuler avec plein de choses dedans. On aura le vinyle aussi qui aura le même aspect. On n’a même pas mis toutes les chansons sur le vinyle pour garder le plus possible de son pour ne pas avoir à compresser les fréquences pour pouvoir garder vraiment la meilleure qualité de vinyle. On a enlevé les deux chansons qui étaient le moins « esprit vinyles » qui sont je crois « Syndrome » et « Le Manoir de Zach Trash ». Par contre avoir « Le Chapiteau des Supplices » sur un vinyle c’est parfait ça craque même un peu ! En fait on aimerait voir cela chez les groupes qu’on suit. Eux ne peuvent plus se le permettre parce que ce sont de gros groupes qui ont des maisons de disques et qui ont besoin de gagner leur vie. Nous on n’a pas cette logique de devoir sortir des trucs parce que la maison de disques le demande, par absolument sortir tel contenu… Nous ne sommes pas limités. On est juste limités par l’argent et si nos fans nous en donne via un crowdfunding, on peut sortir tout ce qu’on veut. On nous aurait donné 50.000 € on aurait fait un clip à 25.000 € ! Ça aurait été démesuré. On a plein d’idées de clips que ce soit en animation ou avec plein de figurants, en plan séquence avec des grues des flammes etc… mais c’est des budgets à chaque fois.

Et vous allez en faire ?

On va en faire, on va essayer. En attendant on va faire des live. On va faire des concerts un peu partout en province parce qu’on a des fans en province. On vient d’internet donc forcément le public est partout et pas uniquement à Paris. Déjà on va défendre un peu l’album en live, sortir de la sphère Geek pour aller dans la sphère metal, parce que le métalleux n’arrivait pas à accrocher à « Pandemia ». Avec Kriptshow  ça va mieux. Ils sont un peu rebutés par le chant en Français et par le fait que cela ne ressemble à rien de connu.

Oui, mais justement le chant est assez intéressant parce qu’il y a assez peu de groupes de metal qui chantent en Français, mais aussi c’est un chant clair et donc on comprend bien. Il y a une vraie narration qui m’a beaucoup plus. Peut-être qu’on vous verra au Hellfest ?

Alors en fait le problème c’est qu’on n’est pas assez metal. Ce n’est pas vraiment un album de metal. Il y a du metal dedans, il se trouve que les arrangements de guitare et batterie sont majoritairement metals, mais ce n’est pas un album de metal au sens où on l’entend généralement. C’est surtout un album de chansons.

Il y a bien eu Henry Des au Motocultor ! Et chaque année il y a un truc décalé.

Les métalleux sont ouverts d’esprit ! Il suffit qu’ils entrent par la bonne porte et qu’ils découvrent Magoyond sous le bon éclairage et là normalement ils aimeront.

Tu écoutes quoi en ce moment ?

Alors, le problème quand on est musicien, c’est que quand on sort de répétition, on n’a plus envie d’écouter de la musique. Je suis capable de conduire cinq heures d’affilée sans écouter une note de musique. Ou parfois je suis frustré parce qu’avec le bruit de la voiture j’entends mal la musique. Ou alors si je mets du Meshuggah en conduisant, je suis sur qu’en sortant du péage je vais bouler à 140 km/h. Rires ! Le metal ça me rend nerveux et le classique ça m’endort !

Tu as un album de chevet ?

Parfois je suis en lubie sur un groupe pendant des mois. Ça remonte peut-être à un an et demi, mais le dernier « Diablo Swing Orchestra » m’a filé une grosse claque et j’ai eu du mal à entrer dedans, ça m’a pris au moins quatre écoutes. Je me le suis mis en boucle une après-midi où j’avais un tas de linge à repasser et j’ai fini par adhérer. Pourtant j’adorais le précédent mais c’est toujours pareil dès que ça mélange et que ça sort des sentiers battus on a du mal. J’ai pas mal écouté de Meshuggah aussi, j’ai une tendresse pour le Meshuggah de 1995/1998 quand ça se cherchait, qu’ils n’avaient pas encore trouvé leur chemin c’était chaotique. C’était le moment ou c’était du post un peu speed un peu hard rock, metal, ça se cherchait. Le dernier Leprous aussi malgré son brassage de styles.

Vous attendez quoi de cet album globalement ? Et artistiquement ?

On se fait plaisir déjà ! Et je pense qu’on aime tous faire des concerts. Personnellement j’adore faire des concerts qui ne sont pas en classique et cela m’a beaucoup apporté en tant que musicien de me détacher de la partition, d’avoir un vrai rapport au public et au jeu en groupe parce que ce n’est pas quelque chose que tu apprends en classique. Tu n’apprends pas la spontanéité, le rapport au public et le rapport entre les membres du groupe. Ça fait longtemps qu’on fait ça et on a vraiment mis beaucoup de soin dans « Kryptshow ». J’y ai vraiment passé 3 semaines à temps plein dont les 2 dernières à 18h par jour à produire cet album, alors rencontrer des gens qui trouvent que c’est cool et nouveau, c’est un sentiment tellement rare !

Et bien merci et bravo parce que ça secoue vraiment le cocotier et ça fait du bien !

Et bien merci à toi, nous allons voir où cela va nous mener. On va continuer à faire ce qu’on fait le mieux possible.

 

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