Among The Living
Interview

Entretien avec Sheby, chanteur de TIGERLEECH

Nous avons rencontré Sheby, chanteur du groupe TIGERLEECH, qui vient nous parler de son parcours et de la sortie de leur premier et excellent opus The Edge of the End. Une bien belle rencontre avec un musicien passionné et entier.

Bonjour, pourrais-tu te présenter s’il te plait ?

Bonjour, je suis Sheby, chanteur de Tigerleech. Nous venons de sortir notre premier album « The Edge of the End ».

Comment s’est passée la release party ?

Très bien ! Une petite fête tranquille avec un peu de monde, ça bougeait pas mal donc c’était bien.

C’était avec Herrschaft ?

Non du tout. On a joué avec des amis qui s’appellent Kill As One. C’était un petit concert. On a joué les morceaux de l’album plus quelques morceaux du second EP.

Pourrais-tu me raconter un peu l’histoire de Tigerleech ? Qui sont les membres, comment vous êtes-vous rencontrés ? Qui est l’initiateur du projet ?

En fait, je jouais dans des groupes depuis pas mal d’années, et en 2013 je me suis retrouvé sans groupe. Du coup j’ai contacté des gens et notamment un guitariste et on a commencé à monter un groupe. On a trouvé le nom etc… et c’est parti là-dessus. En 2014 on a enregistré un premier EP. A ce moment-là, je savais pertinemment que le line-up allait bouger parce que ce n’était pas des personnes très engagées, et puis voilà, au début d’un groupe ça bouge toujours le temps de trouver des gens un peu plus motivés et investis. En 2015, Olivier le batteur est arrivé. Début 2016, Fabien, le guitariste actuel nous a rejoints. On a continué à composer et à faire des petits concerts à droite à gauche. En fin d’été 2017, Gabor est arrivé. On fait le deuxième EP avec lui en automne. Puis il a fait une pause pendant un an donc on a continué avec d’autres bassistes et puis on l’a rappelé. Il est revenu en fin d’été 2018. Là, le but était de faire un album. C’était le challenge, mais on avait prévu, on avait travaillé les morceaux et on est partis en studio en Février 2019.

Les lignes de bass n’étaient pas faites ?

Non non, il a beaucoup bossé. Il y a quelques morceaux qu’il a repris. Mais c’est un gros bosseur.

Et donc maintenant le line-up est prêt ?

Oui, là maintenant, le groupe est solidifié. Bon alors après, on n’est à l’abris de rien c’est clair ! Demain quelqu’un peut décider d’arrêter bien-sûr. Mais déjà Olivier est là depuis 2015, Fabien depuis 2016 donc voilà, ça fait quelque chose de plus compact et de plus solide.

Une petite question qui n’a rien à voir, mais qu’est ce qui t’a donné envie de faire du rock ou du metal en particulier plutôt que de la pop ? 

Rires ! Alors je crois que je n’avais pas trop le choix. Déjà mes parents écoutaient de la musique. Ensuite j’avais deux grands frères qui tout de suite ont acheté des Vinyls. Dans les années 70 on écoutait un peu les yé-yé français etc… puis très vite ils se sont mis aux Beatles, aux Stones, puis du Led Zeppelin, du Deep Purple, du Status Quo. A cette époque là on était en Bretagne, dans le Morbihan et mes parents ont déménagé à côté de Rennes qui est tout de même une grosse ville du rock en France, et fin 70 début 80 le mouvement punk est arrivé. Mes frères qui avaient 20 ans ont plongé dedans à fond, et moi, le petit frère je trouvais ça génial.
Ils traînaient avec des punks à Rennes, ils ont fait un groupe qui a plutôt bien marché. En fait c’était un des groupes punks un peu connus de l’époque, ça s’appelait les Trotskids. Ils ont tourné avec le groupe anglais GHB. Ensuite ils ont bougé sur Paris pour le travail et moi je les ai suivis. Ils répétaient dans un endroit et il y avait un groupe qui cherchait un chanteur et j’ai dit « c’est moi, je suis votre chanteur ». Et ça a commencé comme ça.
Puis du punk au punk hardcore, l’influence metal est arrivée dans les années 90 et j’étais à fond dedans. J’ai vu plein de concerts. J’ai commencé à travailler sur les concerts et j’ai vu toute cette effervescence dans les années 90, tous ces groupes qui sont en fait restés nos références dans Tigerleech : de Pantera à Soundgarden ou Rage Against The Machine, tous ces groupes qui ont fait des trucs assez énormes à cette période-là.

Justement, je vais rebondir un peu là-dessus. Sur votre Facebook vous citez un nombre incalculable d’influences diverses et variées, mais comment situes-tu votre style ? Ce n’est pas pour vous mettre dans une case bien sûr !

Oui oui, non effectivement on est un peu obligés de donner un style. Alors nous à la base on voulait faire du stoner. Mais pas du stoner pur et dur. On n’est pas dans un truc desert rock ou psyché. Je pense qu’on est plus influencés par des groupes comme Queens Of The Stone Age au début ou Kyuss. Par le côté rock’n roll voir metal qu’ils avaient à l’époque. Fabien le guitariste est très influencé par les groupes de thrash metal.

Effectivement cela s’entend dans sa façon de jouer.

Oui il y a des riffs qui sont bien métalleux. Moi j’ai gardé cette influence hardcore ; donc voilà cela fait une sorte de brassage auquel les autres adhèrent donc voilà, ça donne Tigerleech. En fait, on surf entre le stoner avec des influences hardcore et metal. C’est un peu ça la marque de fabrique.

TIGERLEECH - The Edge On The End

Quelle est l’origine du nom Tigerleech ?

C’est une sangsue tigre. C’est une grosse sangsue qui vit dans de l’eau de mer, elle mange des crabes. C’est plutôt gros, noir et jaune d’où le côté tigre. Au début on cherchait un truc un peu autour du bayou, de la sangsue, et en regardant leech sur internet, j’ai vu le truc apparaître : tiger leech. Je me suis dit « c’est énorme ça ! » ça mange des crabes, c’est bien vorace, bien agressif. Après c’est toujours un peu compliqué de trouver un nom un peu original.

Ça sonne bien !

Rires ! Oui au début on s’est dit que cela faisait peut-être un peu glam le côté tiger, mais bon.

Parlons un peu du titre « The Edge Of The End » et du contenu de l’album en termes de paroles, de message. C’est toi qui composes ou c’est un travail collectif ?

Par rapport à « The Edge Of The End », c’est le titre d’un des morceaux, mais c’est aussi le seuil que l’on n’aurait pas dû dépasser et qui est dépassé maintenant pour nous, pour la planète. Ce morceau parle de notre chute, de l’écologie, du non-respect de la planète sur laquelle nous vivons et qu’on est en train de défoncer. On a choisi ce titre parce qu’on trouvait qu’il sonnait bien pour un titre d’album. Ça va aussi avec le crâne de singe. C’est-à-dire qu’à partir du moment où tous les singes seront morts ce sera notre tour. C’est un peu l’image de la pochette. On n’a pas eu trop de ligne directrice pour l’album. Pour les compositions, c’est Fabien le guitariste qui amène des riffs, des petites structures, des morceaux et ensuite on les travaille ensemble. Il les prépare chez lui en y mettant quelques rythmes avec un logiciel et on les retravaille ensemble. Je chantonne un peu en répétition, je cherche des mélodies mais j’écris les textes chez moi. Pour parler des textes, je dirais qu’ils sont assez sombres. Je pointe du doigt les choses qui ne vont pas du tout, pas les choses positives. C’est plutôt le côté négatif de l’humain, comment il fonctionne avec lui-même, avec les autres. Donc ce sont des textes assez noirs.

Et ton chant, c’est quelque chose que tu as travaillé ? Tu as pris des cours ou c’est quelque chose qui s’est rodé dans le temps vu que tu as commencé jeune ?

Alors pendant longtemps c’était de l’autodidacte complet, et puis au bout d’un moment j’ai senti qu’il fallait que je prenne des cours, que je bosse. Je prends toujours des cours et d’ailleurs cette année c’était avec un chanteur lyrique et j’ai appris plein de petites choses comme des techniques de voix et de souffle surtout. Cela me fait du bien de travailler et j’ai encore plein de choses à apprendre.

Qu’attendez-vous de cet album concrètement aujourd’hui ?

Qu’est-ce qu’on en attend ? Pas la gloire ou une carrière, mais déjà on se fait plaisir. C’est une passion donc on le fait. Après, effectivement on est un groupe noyé dans une masse considérable d’autres groupes et j’ai presque envie de dire qu’on n’en attend pas grand-chose finalement. On fait plus ça pour le kiff, aller jouer et échanger avec des gens : on leur donne la musique, ils aiment et on passe un bon moment ensemble, déjà c’est énorme. Il y a plein d’endroits ou les gens ne peuvent pas le faire donc c’est une chance de pouvoir partager notre musique ! Certains aimeront d’autres pas c’est la logique des choses. Après, c’est sûr que c’est compliqué de sortir la tête de l’eau et de sortir du lot aussi, c’est un peu la même chose. La seule reconnaissance qu’on peut avoir c’est de persister, de continuer. A un moment donné on aura un juste retour des choses, mais pour le moment on est très contents rien que du fait de faire cet album ; en plus on a des retours positifs donc ce n’est que du bonheur. On n’en attend pas des grandes choses, mais faire des concerts et aller tourner avec des groupes un peu plus reconnus qu’on aime et qui ne seront pas forcément des gens cools d’ailleurs, rires !

Tu as connu comme moi, vu qu’on doit avoir sensiblement le même âge, cette évolution qui s’est accélérée, un peu empirique on va dire, de l’industrie du disque où à l’époque un groupe faisait une tournée pour vendre un disque alors que maintenant c’est l’inverse : les groupes font des albums pour faire des tournées puisque le modèle économique a complètement changé. Il faut faire des tournées et vendre du merch pour gagner un peu d’argent. Tu en penses quoi de tout cela, de ces plateformes du style Deezer, Spotify ? Tu penses quoi de cette évolution qui est inexorable en fait ?

De toutes façons c’est l’évolution du truc, on ne peut rien contre. Il y a du positif et du négatif, c’est-à-dire qu’à l’époque on attendait l’album, et quand on avait l’album on avait un truc dans les mains, il y avait les paroles, c’était un truc en dur que tu mettais sur ton étagère et que tu étais content de sortir. Il y avait un vrai support, tu avais un vrai produit en main. Mais c’était aussi peut-être plus compliqué et tu avais moins de moyens de te faire connaitre. Quand tu commençais à te faire connaitre tu arrivais à quelque chose de vraiment bien. Il y avait des labels, des labels underground qui fonctionnaient bien et qui bossaient bien avec toi et puis après il y avait des majors. Les majors faisaient de l’argent sur ton dos, il y a beaucoup de groupes se sont fait spoiler, mais ça en a aussi fait sortir du lot, c’était une vraie industrie. Maintenant on arrive plus à un mode de consommation de la musique, ça va beaucoup plus vite. Ça va beaucoup plus vite dans tous les sens, tu peux diffuser ta musique plus rapidement et partout, vraiment, c’est-à-dire sur la planète entière. Après je ne sais pas si c’est mieux. Effectivement quelqu’un peut t’écouter en Turquie ou en Afrique du Sud, mais toi en tant que groupe cela ne te rapporte rien à part le plaisir d’avoir un fan au bout du monde. Il y a du bon et du moins bon.

 

Bon et encore, on a affaire à une niche metal et des fans qui consomment différemment par rapport à d’autres styles qui fonctionnent par playlist : tu écoutes et si tu aimes un morceau tu vas prendre ce morceau mais pas forcément écouter le reste de l’album.

Tout à fait, je pense que tu as raison, les fans de metal sont peut-être les derniers à encore écouter et aimer vraiment les groupes, à en découvrir de nouveaux, à acheter du merch et porter les t-shirts, et même à acheter des CDs ou des vinyls. En ce qui concerne les vinyls les mouvements techno et hip-hop on bien aidé à les faire perdurer, mais tout cela a été vite rattrapé par la technologie et maintenant les mecs mixent avec des platines numériques, des clés USB.

Malgré tout le vinyl revient en force depuis quelques temps car j’avais vu des chiffres il y a deux ans je crois qui indiquaient que la vente de vinyls avait été supérieure à celle des CDs. C’est un objet qui revient en collector.

Oui tout à fait, heureusement que cela reste ! J’aimerais bien mettre quelques morceaux de Tigerleech sur un vinyl. L’objet est magnifique.

Oui et puis en fait c’est une autre écoute, tu prends le temps de poser l’album sur une platine et du coup tu écoutes l’album en fait

Exactement oui tu ne peux pas zapper. Et puis il y avait un son différent aussi avec une bonne chaine le son était incroyable, de la profondeur de son que tu n’as plus du tout avec les MP3.

Déjà même quand tu écoutes un CD sur ton ordinateur et que tu écoutes le même sur Deezer, le son n’a rien à voir, tu es obligé de mettre plus fort !

Tout à fait, mais le problème c’est que tu ne peux pas vraiment y échapper. Tu ne peux pas échapper à tout ce qui est You Tube etc… non plus ou alors tu restes vraiment underground et là c’est autre chose. Je connais des groupes qui font même des cassettes. Ça a un côté « on reste purs et durs » mais bon c’est plus difficile à diffuser parce que déjà dans les auto radios il n’y a pratiquement plus de CDs alors les cassettes on n’en parle même pas !

En fait c’est quoi le modèle économique du groupe ? Vous avez tous un travail à côté ou il y a des musiciens professionnels ?

Alors oui on a notre travail. Le groupe est vraiment notre passion et on fait cela à côté. Pour le moment on ne peut pas se dégager des salaires ou des cachets d’intermittents.

Il y a des intermittents ?

Oui, moi je suis intermittent parce que je travaille dans la musique, je travaille sur les concerts.

Vous avez quelqu’un qui s’occupe de vous ou c’est de l’auto-géré ?

Pour l’instant c’est du do it yourself total. L’album est auto produit on n’a pas de manageur, pas de tourneur, mais c’est le début et on ne va pas s’empêcher de faire des choses parce qu’on n’a pas de label ! Ce n’est pas grave cela n’empêche pas de faire un album. C’est peut-être plus compliqué effectivement mais ça viendra petit à petit.

Et là vous avez des dates prévues ?

Alors pas de dates de prévues dans l’immédiat, juste quelques dates fin mars 2020 à Marseille et Fréjus. Pour d’autres dates j’y travaille et je pense que cela tombera au coup par coup pendant l’automne et l’hiver. Et puis on va faire un clip à la rentrée. Ce sera surement sur le morceau « Sandstorm ».

Dernière question : est-ce que tu es 100 % satisfait de cet album ou tu serais plutôt du genre à te dire « j’aurais dû faire comme ceci ou comme cela » ?

Rires ! Alors satisfait à 100 % non ! On en est très contents c’est sûr, mais après non bien sûr. Moi je me flagelle toujours un peu « là tu aurais dû faire ça et faire comme ça… », à un moment donné il faut s’arrêter sinon tu continues à faire ton album pendant des années ! Mais dans l’ensemble on est super contents et on a même été surpris du résultat, on ne pensait pas que cela allait sonner comme ça. On est très contents, on s’arrête là et après on verra pour le reste, pour le deuxième.

Par rapport au résultat justement, à la façon dont ça sonne, en studio vous aviez la main sur ça ? Vous vous êtes faits conseiller ?

Alors je ne sais plus si je t’ai dit, mais on a bossé avec Andrew Guillotin, l’ingénieur du son. Et oui, il nous a fait une petite direction artistique, il nous a donné un petit coup de main et il a su mettre le truc en valeur. Ensuite au niveau du mixage pareil, il nous a proposé des mixes et à chaque fois on retravaillait dessus et on lui faisait des retours et il rebossait le truc et le dernier qu’il nous a proposé a mis tout le monde d’accord. C’était ce qu’on voulait et cela collait parfaitement pour tout le monde.

Bon et bien il n’y a plus qu’à vous découvrir sur scène maintenant ! Merci.

Rires ! Oui ! Merci à toi.

 

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