Rencontre avec le groupe Saint Agnes
20 septembre 2023 au Dr Feelgood, Paris 11ème
Entre « Mother Fucker » et « Fucking You », Kitty crie sa colère, exorcise ses démons. Mais pas que… un groupe qui représente les affranchis et les laissés-pour-compte.
Issu des quartiers populaires de l’est londonien, Saint Agnes se caractérise par un style post-hardcore aux éléments issus du metal, du punk, de l’industriel et du grunge, doté d’un chant brut assuré par Kitty A. Austen. Jouer, en marge des groupes mainstream, une musique pleine de rage et d’émotions, voilà comment on pourrait définir ce quatuor, cet outsider. Un gang composé de Jon James Tufnell (chant, guitare), de Benjamin Chernitsky (basse) et d’Andy Head (batterie) qui cherche à donner du pouvoir à ceux qui, bien que battus ou meurtris à un moment de leur vie, refusent d’abdiquer, de se coucher… comme l’a démontré la martyre du 4ème siècle, Saint Agnès. C’est là le fil conducteur de « Bloodsuckers », le deuxième album studio de Saint Agnes tout juste sorti sur Spinefarm. Saint Agnes nous dévoile leurs perceptions de la musique et les expériences de la vie de groupe.
Amontheliving : En dehors de vos influences musicales, Nine Inch Nails, Ho99o9, The White Stripes, Grinderman, PJ Harvey, White Zombie, d’où tirez-vous vos inspirations ?
Jon : Je pense que nous sommes influencés par toute forme d’art en général, tant que c’est authentique, audacieux, que ce soit un film ou un livre. Si on ressent une connexion avec ce support, avec la personne qui l’a créé sans être sous la contrainte, c’est-à-dire d’élaborer un produit. C’est plutôt la force du véritable artiste qui nous inspire. Ce n’est pas parce que l’on regarde un film que l’on va être inspirés pour créer une chanson.
Kitty : Oui, exactement. Les humains qui essaient de s’exprimer. Voilà c’est ça l’art.
Amongtheliving : Un exemple pour illustrer ce que vous venez de dire ?
Jon : Ce n’est pas quelque chose de spécifique mais plutôt quelque chose que tu vis dans ton quotidien avec l’art, car l’art est présent partout. Il est présent quand tu allumes la radio, la télé. Tu n’as pas spécialement besoin de penser que c’est le meilleur truc qui n’ait jamais existé, c’est simplement ressentir une connexion. C’est difficile de citer quelque chose de spécifique : c’est toute la vie entière, les gens qui vivent de manière authentique, les personnes courageuses et effrontées, c’est plus ça qui nous inspire !
Amongtheliving : Vous vous définissez comme un groupe underground. De nos jours, comment peut-on rester réellement underground avec l’ensemble des médias : radio, télé, Internet etc. ?
De nos jours, tout est redevenu underground.
Amongtheliving : Vous venez de sortir votre second album « Bloodsuckers ». Pourriez-vous nous dévoiler comment s’est déroulée la production ?
Jon : Oui c’est tout à fait une recette maison. La première chanson que nous avons enregistrée s’intitule « Follow You ». On a réalisé une partie de la production de l’album avec l’aide de Shean Beaven qui a travaillé au début sur Nine Inch Nails. À cette époque, nous vivions quelque chose de fort au niveau émotionnel dans nos vies personnelles avec Kitty. Shean nous a juste expliqué le processus d’enregistrement en nous apportant un peu d’aide pour une chanson. Après, on a compris, et pour le reste de l’album, on a réussi à nous débrouiller.
Amongtheliving : Pourriez-vous nous raconter l’histoire des paroles de quelques chansons ? Enfin ce qui vous inspire pour écrire vos textes?
Jon : Une autre partie de l’album traite du fait que nous nous sentons comme des Outsiders, comme si nous n’avions jamais eu réellement de foyer dans nos vies personnelles. Dans notre public, nous en voyons beaucoup d’entre eux, identiques à nous ! D’ailleurs, il y a la chanson qui s’intitule « Outsider » sur l’album. Elle évoque le fait de te parler à toi-même, lorsque tu es enfant, en espérant connaître l’ami attendu, celui qui te donnerait des conseils et mettrait la main sur ton épaule pour te rassurer : « OK, tu as une maison ici ». Le groupe, c’est notre famille. Enfin, sur cet album, nous parlons aussi du fait d’être ensemble, des relations et de la force d’être ensemble.
Amongtheliving : Vous avez une putain d’énergie sur scène. Comment parvenez-vous à la dégager ? Certains musiciens puisent, en partie, leur énergie à partir d’oxygène, d’amphétamines, voire sous l’emprise de l’alcool, de la drogue… (Rires)
Andy : On ne laisse rien derrière !…
Amongtheliving : Un jour, vous avez déclaré : « La vie commence à la frontière de l’inconnu… ». Pouvez-vous nous expliciter ce que vous avez voulu dire ?
En tant que groupe, ce qu’on n’aime pas faire, c’est jouer, répéter un morceau de façon identique. On essaie d’avoir une approche variée à chaque fois et de ne pas rejouer le m^me morceau comme on l’a fait auparavant. On essaie de jouer de la guitare différemment, d’enregistrer les voix autrement, d’aller toujours vers l’inconnu. C’est ainsi que tu ressens la vie, si tu peux capturer ces vrais moments d’existence. Il s’y passe alors quelque chose de magique !
Amontheliving : C’est vrai. Une question complètement différente. Seriez-vous prêts à voyager vers Mars ? (Rires)
Amongtheliving : Comment réparer la planète pour vivre dans un monde extraordinaire ?!
Jon : Tu nous demandes ça ?! (Rires) Nous sommes des musiciens !
Amontheliving : Tu ne penses pas que les musiciens puissent contribuer à faire un monde meilleur ? On dit que la musique adoucit les mœurs pourtant…
Jon : Oui, les milliardaires et les hommes politiques!
Amontheliving : Si on souhaite voir le groupe Saint Agnes à Londres, où doit-on se rendre ?
Nous faisons pas mal de tournées, mais, en ce qui concerne Londres, nous sommes souvent dans l’est londonien. C’est là que tout se passe au niveau musique, et c’est là aussi qu’il y a le plus de pauvres. L’ouest de Londres représente un monde complètement à part où l’argent circule à foison. On a plutôt une vie privée et on ne traîne pas dans les clubs de rock tous les soirs ! Tu pourrais nous chercher, mais ça serai difficile de nous retrouver !
Amongtheliving : Quel club affectionnez-vous plus particulièrement et dans quel club avez-vous joué à Londres ?
Jon : The Roundhouse, The Garage, et pratiquement tous les clubs londoniens excepté The Academy.
Amongtheliving : Des concerts prévus en France ?
Jon : En février-mars 2024. Nous avons un nouveau agent de production (Olivier Garnier). De plus, on va effectuer une tournée dans tout le Royaume Uni et en Europe. On passera par la France et on jouera tous les morceaux de « Bloodsuckers »
Amongtheliving : Un dernier mot à rajouter à nos lecteurs ?
Jon : Pour les gens qui découvriront notre groupe, il y a quelque chose de plus en nous. Comme le révèle la chanson « Outsider », nous sommes un groupe qui représente les affranchis, les laissés-pour-compte. Ceux qui le veulent peuvent s’associer à cet esprit, nous rejoindre et fêter leur rage et leur colère qui sont en eux.