JAMAICA JAMAICA!
la Philharmonie de Paris
Jusqu’au 13 août 2017
Enfin une exposition qui met en valeur la richesse de la musique jamaïcaine, méconnue du grand public et réduite tout à fait injustement à Bob Marley et à la ganja. Jamaica Jamaica! remet les pendules à l’heure, ça cause ska, rocksteady, rastafari et sound system. Réunissant instruments, photographies et films, l’exposition raconte l’histoire de cette île caribéenne dont l’influence ne cesse de se répandre encore aujourd’hui dans l’industrie musicale actuelle.
Le parcours de l’exposition commence par le passé colonial de l’île. Conquise par les Anglais en 1655, elle devient une des plateformes de la traite négrière. C’est dans cet héritage que nait à la fin du 19ème siècle, le Mento, première musique populaire des paysans jamaïcains qui plonge ses racines dans les chants des peuples d’Afrique de l’Ouest. Puis s’engage un mouvement mondial de décolonisation après la seconde guerre mondiale. L’empire britannique s’émiette et la Jamaïque obtient son indépendance en 1962 dans un contexte d’effervescence tiers mondialiste et de militantisme panafricaniste. La fierté d’être maitre de son destin, ouvre une page d’optimisme qui se célèbre en musique. Le Ska, métissage de traditions musicales locales et du rhythm and blues et du jazz américains, avec son contretemps caractéristique, voit le jour. Quelques années plus tard, en 1966, le joyeux Ska ne reflète plus l’humeur de l’époque. L’influence grandissante des Rastafari et de leurs revendications politiques s’entendent dans le Rocksteady qui séduira jusqu’aux skinheads du Royaume Uni, avant de laisser place au Reggae, déclaration de fierté militante, mystique et résolument tournée vers l’Afrique.
Pendant tout ce temps, la musique devient un véritable instrument de cohésion sociale dans le pays. Les premiers studios d’enregistrement se multiplient, tout comme les stations de radio et les sound system, ces bals en plein air qui rythment la vie sociale et revêtent d’enjeux économiques importants. La concurrence entre les différents sound system est rude et pousse musiciens et producteurs à innover sans cesse pour se distinguer. Ces innovations techniques et musicales vont poser les bases de la culture DJ contemporaine, des dubplates aux remix.
Tout au long de la visite, on se retrouve plongé dans l’univers et l’ambiance de lieux symboliques : studio de Coxsone, un des plus grands producteurs de Jamaïque, imposant mur d’enceintes, sound system recrée…et on s’émerveille face à des objets mythiques, tels que les manuscrits de Peter Tosh, le mélodica dont jouait Augustus Pablo et les machines de mixage de Lee Scratch Perry, cet avant gardiste du son, le Dali jamacaïn.
L’exposition se clôt par un passage obligé vers les Dancehall Queens, ces danseuses qui depuis le début des années 1990, célèbrent l’expression d’une sur-féminité militante, par des chorégraphies ultra sexualisées. Un souffle revendicatif féminin qui fait du bien après cette remontée historique dans un univers musical franchement masculin.
Jamaïca Jamaïca ! rend une vraie justice à un peuple qui par la lutte a été un des premiers à obtenir son indépendance, et à son histoire musicale, marquée par un profond message d’émancipation, de libération des peuples opprimés et d’appel à la résistance. Une exposition à conseiller à ceux qui accordent de l’importance aux Histoires qui construisent une musique, à ceux qui ne s’arrêtent pas aux préjugés et bien sur, à tous ceux qui ont l’habitude de taper du pied devant un mur d’enceintes.
A voir jusqu’au 13 Août à la Philharmonie de Paris.