Hard-Core, Life of my own – Harley Flanagan
Les Publications du Crépuscule Camion Blanc
Comment résumer 600 pages de l’autobiographie d’Harley Flanagan ? Ce livre ce n’est pas seulement la vie d’Harley Flanagan qui n’a que 54 ans. Ce livre c’est aussi l’histoire de la naissance d’un courant musical le New York Hardcore, la vie d’un groupe majeur de la scène américaine les Cro-Mags et une part d’histoire oubliée d’une ville, New York…
Ce récit, même s’il donne parfois dans le mythique sex, drugs and rock’n’ roll, ne peut être comparé à une classique autobiographie d’un musicien comme il en existe beaucoup. Hard-Core, Life of my own c’est l’histoire d’un homme qui s’est brûlé les ailes à de nombreuses reprises, qui a traversé des périodes difficiles tout au long de sa vie et qui malgré tout a toujours pu se dépasser, grâce à la musique et pour la musique.
La jeunesse d’Harley est très atypique. Très jeune il a voyagé à travers le monde (Europe, Afrique, USA) avec sa mère qui fréquentait des hippies, des rockers ou des artistes. Il grandit à Christiania, quartier autogéré de Copenhague où se retrouvaient pêle-mêle junkie, hippies, musiciens, artistes, militants révolutionnaires. Un environnement de l’aveu même d’Harley qui n’était pas alors le meilleur endroit pour élever un enfant. Dès cette époque il est confronté à la violence, à la marginalité, aux bandes.
Vers l’âge de 10 ans, grâce à sa mère et sa tante Denise qui l’emmènent avec elles à des concerts, il découvre le Punk Rock. A partir de cet instant la vie d’Harley sera intimement liée à l’histoire du punk américain, en côtoyant ou en jouant avec les groupes américains ou étrangers qui viennent en tournée aux USA.
Lorsqu’il rentre avec sa mère à New-York en 1978, Harley est devenu punk et joue de la batterie dans le groupe de sa tante les Stimulators. New-York à cette époque est très loin du New-York actuel. Le cadre de vie et le quotidien sont plus proches des Guerriers du Bronx de Enzo G. Castellari ou des Guerriers de la Nuit de Walter Hill que des séries Friends ou How I Met Your Mother. C’est un New-York et une époque qui n’existent plus : Tout est plus sauvage, plus sombre, plus dangereux, où la violence et l’insécurité règnent. Le Lower East Side où Harley grandit est alors limite à l’abandon, des gangs s’y font la guerre avec des armes à feu et pas mal de gens vivent en marge de la société. Harley est alors l’un des rares blancs de son quartier et son look punk ne lui facilite pas la vie. Il devient rapidement une cible pour tous les gamins et ados du quartier et de son école, les bagarres sont quotidiennes.
Après une tournée des Stimulators en 1980 en Irlande, il abandonne le look punk pour adopter celui des skinheads après être tombé amoureux musicalement de la seconde vague punk (The Exploited, GBH, Discharge) et de la oi (Sham 69, Cockney Rejects). Des influences qui viendront se mélanger aux groupes qu’Harley suit déjà comme Bad Brains, Black Flag, Minor Threat, Reagan Youth.
Fort de ses nouvelles influences musicales et de son changement de look, sa vie prend une nouvelle tournure à son retour aux USA. Entre les concerts, la rue, les embrouilles, Harley Flanagan se lie d’amitié avec toute une série d’individus souvent marginaux, issus de communautés très différentes qui vont former avec lui la base de la scène hardcore newyorkaise : Jimmy « Gestapo » (Murphy’s Law), Ray Beez (Warzone), Doug Holland (Cro-Mags), Jorge et SOB (Merauder), Vinnie Stigma et Roger Miret (Agnostic Front). Il va également se lier d’amitié avec les futurs membres des Beastie Boys qui appartiennent pourtant à un milieu très différent d’Harley. Alors que son appartement se résume à une seule pièce sans chauffage qu’il partage avec sa mère et son beau-père, les Beastie Boys sont issus de milieux et quartiers très aisés de New-York. C’est aussi la marque de fabrique du New York Hardcore, où des adolescents de milieux très différents et d’origines différentes, loin des tensions raciales qui existent entre les quartiers, se retrouvent autour d’une même musique en fréquentant les mêmes lieux.
Sous l’impulsion de plusieurs personnes de la scène dont Jon Joseph, futur chanteur des Cro-Mags et avec qui il partage une chambre à l’époque, certains vont se tourner vers le Hare Krisna. C’est une période compliquée pour Harley qui suite à son engagement spirituel va se couper d’une partie de ses amis de la scène. Une situation difficile d’autant qu’il voit de nouvelles générations apparaître et tenter de tout remettre en question. Mais cette expérience lui a sans doute sauvé la vie, lui permettant de s’éloigner de certains problèmes.
La naissance des Cro-Mags à cette même période est chaotique. Avant d’être un vrai groupe, ce fut surtout un nom taggé sur les murs, dans le métro, ou écrit sur les t-shirts d’une bande de skinheads, Cro-Mags Skins, avec Roger Miret, un temps envisagé comme chanteur. Après une rencontre avec Lemmy de Motorhead, qui le motive à s’investir sérieusement dans la musique, Harley décide de quitter Murphy’s Law pour passer à quelque chose de sérieux musicalement. Mais Harley est obligé de quitter New-York. Il est tellement impliqué dans de nombreuses histoires que des bandes de dealers portoricains ont décidé de le tuer. Il décide de se faire oublier, part pour la Californie où il continue de se droguer et de vivre en partie dans la rue. Cet épisode l’empêche de devenir le batteur des Misfits.
Il faudra attendre 1986 pour que le 1er véritable album du groupe, Age of Quarrel soit enregistré. Preuve que les Cro-Mags sont bien plus qu’un groupe de hardcore pour Harley, il consacre un chapitre à chaque album du groupe où il décrit le processus d’écriture de chaque chanson. Cet album, qui est un classique du Hardcore et un clip tourné pour MTV, vont permettre au groupe de faire une tournée aux USA. Mais les tensions internes entre Harley et Jon Joseph, l’arrêt des groupes de la première génération du New-York Hardcore et l’arrivée d’une nouvelle génération font des années 90 une période difficile pour Harley. Il constate également que sa ville New-York change, se transforme, se normalise. Privé par certains anciens membres des Cro-Mags d’utiliser le nom pour continuer à jouer, l’histoire d’Harley Flanagan aurait pu très mal se terminer. En 2012 il se rend à un concert des Cro-Mags version Jon Joseph dans l’espoir presque naïf de renouer les liens et de pouvoir jouer ses morceaux avec une partie de ses anciens partenaires sur scène. La suite est confuse, Harley est accusé d’avoir agressé des gens au couteau en backstage alors que de son côté il explique avoir été piégé. L’histoire se termine avec plus de 40 points de suture pour Harley et un passage à Rykers. Il sera relâché suite aux déclarations contradictoires de ses accusateurs. L’histoire aurait pu s’arrêter là, avec une image détruite à jamais. Là où toute personne normalement constituée aurait sans doute sombré, Harley va continuer à faire face. Grâce à un mental d’acier, il va prendre sa revanche, via la musique, en faisant un retour fracassant avec l’album Cro-Mags en 2016. Quelques mois plus tard il récupère officiellement le nom du groupe, lui permettant à nouveau de jouer en live et composer sous ce nom.
Et si vous pensez toujours que cette histoire est romancée, je vous invite à aller voir un jour un concert du bonhomme. L’intensité, la rage et la violence qui se dégagent d’Harley sur scène termineront de vous convaincre qu’il est l’incarnation du mot même Hardcore et que tout ce qu’il a raconté dans son livre, c’est du 100% vécu.
Retrouvez l’interview de Harley ICI