Entretien avec Adrian et Ivan du groupe Disconnected, à l’occasion de la sortie de leur premier album White Colossus.
En guise d’introduction, pourriez-vous vous présenter individuellement pour les lecteurs d’Among The living ?
Adrian : Je suis le guitariste et créateur du groupe Disconnected.
Ivan : Je suis le chanteur de Disconnected, et le créateur des lignes mélodiques de chants, et des textes également.
Jouez-vous également pour d’autres groupes ?
Adrian : Oui, je joue actuellement dans Melted Space, où je suis le guitariste. C’est le seul groupe actuel que j’ai à côté. Je consacre beaucoup de temps à Disconnected.
Ivan : Je joue aussi depuis 2011 dans un groupe de métal alternatif qui s’appelle The Heavy Duty, avec lequel j’ai sorti trois albums. On est à la fin du cycle de vie de ce groupe-là, malheureusement, comme ça n’a pas pris comme on voulait. Mais, le temps d’un concert, ça peut ressortir à moment donné. On ne sait pas.
Vous vous définissez comme la contre attaque des Architects, célèbre groupe actuel de métal en outre-Manche. Comment vous positionnez-vous par rapport à eux ?
Adrian : C’est plus de l’inspiration. Quand on a bossé la communication avec le label, ils ont proposé The Architects pour la promo, et ça marchait bien comme ça. On est restés là-dessus, mais on ne veut pas copier-coller ce groupe-là.
Ivan : The Architects, c’est une accroche émotionnelle. C’est un groupe que l’on respecte énormément. Nous sommes un peu dans cette veine-là, mais il y a beaucoup plus de mélodies dans ce que l’on fait. Au niveau de la voix, ce n’est pas du tout le même genre de chant. The Architects prennent une direction beaucoup plus dans le scream que nous.
Dans la scène française, on peut constater une proximité stylistique avec des groupes comme Dagoba ou Gojira. Ont ils été une influence pour vous ?
Adrian : Dagoba, non, ce n’est pas une influence. Gojira, oui, mais pas non plus une influence majeure. Nous sommes moins extrêmes que ces deux groupes-là.
Ivan : Ce sont des groupes inspirants dans ce qu’ils ont réussi à devenir, et qui nous rendent fiers de la scène française. Au même titre, dans un registre différent, que Mass Hysteria, qui sont là depuis longtemps et qui réussissent. Au niveau musical, on peut retrouver certaines similitudes dans les découpes rythmiques. On bénéficie d’un mélange avec ce côté- là un peu extrême, et avec des choses plus « métal-rock », comme Alter Bridge.
Quels groupes vous influencent le plus, à la fois sur la scène française et internationale ?
Adrian : Alter Bridge est une grosse influence. Dans leur manière d’approcher la composition, la mélodie prime avant tout. C’est là que le lien se crée avec notre approche. C’est le groupe qui m’a donné envie de composer. Le dernier album de Periphery aussi, c’est un groupe que je suis depuis le début. Dans l’approche de composition, il y a aussi Muse qui m’inspire.
Ivan : Si je pouvais donner trois chanteurs qui sont des influences très fortes pour moi, je citerais James Hetfield, Mike Patton, et Phil Anselmo. Corey Taylor dans Stone Sour est également une grosse influence pour moi. Il fait partie des personnes que j’écoute beaucoup et qui m’inspirent. C’est un des gars les plus intéressants vocalement de ces dernières décennies.
Vos influences musicales mises à part, avez vous eu d’autres sources d’inspirations qui vous ont guidées dans le processus de création de votre album ?
Adrian : Ce qui m’inspire quand je compose, c’est un ressenti ou une émotion que j’ai envie d’extérioriser. Je compose quand j’en ressens le besoin. C’est dans ces périodes-là, assez mélancoliques, que je me sens le plus inspiré.
Ivan : Le ressenti et le vécu nous inspirent, ainsi que ce qu’il y a autour de nous. Je suis vraiment sur les sensations.
Dans quel processus de création vous êtes vous placés dans la composition de votre album ? Est-ce une création collaborative ? Y en a t-il un qui se charge des paroles ?
Ivan : Dans notre processus de composition, Adrian est arrivé avec toutes les instrus, et les titres arrangés. J’arrive difficilement à partir d’une ligne de chant pour créer ce qu’il y a autour, j’ai toujours préféré l’inverse. J’ai composé des lignes mélodiques en réaction à ce que je ressentais, quand j’écoutais ce qu’il proposait. Je suis quelqu’un d’assez instinctif sur la composition. Je trouve mes meilleures idées lors des premières minutes où j’écoute un riff. Il me vient des choses, et c’est souvent ce que je garde. Je reviens très souvent à mon premier jet. On est dans quelque chose de viscéral.
Adrian : Que ce soit musical ou vocal, c’est ça le processus de composition. C’est quelque chose qui vient naturellement, au feeling. Je suis à la base du projet, et les quatre autres membres du groupe n’étaient pas là au début. A ce moment-là, je composais mes titres tout seul, sans ligne de chant. Avec Ivan, nous avons été mis en contact, et c’est vraiment une alchimie qui s’est créée.
Ivan : Nous avons eu un coup de foudre artistique mutuel, en tout bien tout honneur ! Nous avons procédé par étapes, car nous habitons à distance. Il est à Troyes, je suis à Montpellier. Nous avons bossé six ou sept mois ensemble, et après nous étions prêts. Il a donc suffit de compléter le line-up, pour trouver des gens suffisamment investis et compétents techniquement parlant.
Disconnected, c’est un nouveau projet de groupe. Votre album sortira le 23 mars 2018. Que pouvons-nous en attendre musicalement, stylistiquement, et au niveau des thématiques qui ressortent ?
Adrian : Notre album est un mélange de plein de choses, avec des riffs assez puissants et un côté ambiant et mélancolique.
Ivan : Ca va être compliqué de nous mettre dans une case. Notre style reste varié, voire même surprenant ou désarçonnant pour certains. Il y a un fil conducteur avec une sensibilité et une émotion tout au long de cet album. J’ai juste envie que les gens nous disent : « vous faites une musique qui nous touche ». Il va peut être falloir plusieurs écoutes pour s’immerger dans notre univers. Nous sommes dans une démarche honnête par rapport à nous-mêmes et à ce que l’on aime faire. Adrian a composé avec ses tripes et son cœur, et j’ai fonctionné de la même manière au niveau de la mélodie.
Blind Faith, Living Incomplete, Armageddon… Des paroles qui évoquent une quête spirituelle. C’est assez métaphysique comme album, avec une thématique biblique. Qu’est-ce qui vous a poussé à aborder ces thèmes ?
Ivan : Au niveau des textes, il y a un fil conducteur sur le thème de la déconnection. Living Incomplete raconte l’histoire d’un homme qui ne se sent pas en phase avec le monde dans lequel il vit. Il a du mal à trouver sa place au milieu des autres, et préférerait peut-être quitter cette vie-là. Dans Blind Faith, nous parlons de la folie de quelqu’un qui est aliéné par la religion, quelle qu’elle soit. Dans Feodora, nous sommes encore sur un autre versant du thème de la déconnection. Ce titre raconte l’histoire d’un homme amoureux d’une personne, qui se révèle être au final plus proche de la poupée siliconée et de la Love Doll, entièrement déconnectée de la réalité. On s’est dit que le thème de la déconnection faisait sens avec le nom du groupe. C’est notre manière de nous présenter, jusqu’au-boutiste et à notre image.
Vous parlez du poids aliénant de la religion dans la chanson Blind Faith. Est-ce que l’écriture de ces paroles a été influencée par les attentats terroristes qui ont impacté la France et le monde entier ?
Adrian : Il y a un lien, vraiment.
Ivan : Nos vies ont toutes été impactées par les événements que la France a vécu. Nous avons tous été touchés à des degrés divers de proximité par rapport à ça. Des gens que je connais bien ont perdu beaucoup des leurs à Nice et au Bataclan. En terme de déconnection, ces gens qui arrivent à se dire qu’une partie de la population mérite de mourir parce qu’ils n’ont pas les mêmes idéaux qu’eux est une chose qui me paraît tellement invraisemblable. Se dire que des êtres humains sont juste des choses qui méritent d’être éliminées, je trouve cela effrayant. C’est quelque chose qui me dépasse totalement.
Votre premier clip, de la chanson Living incomplete, est lui aussi très spirituel. Dans une terre symbolique et abstraite, vous devenez tout à tour poussière. Ce clip était la retranscription visuelle la plus proche de ce que vous vouliez transmettre d’un point de vue symbolique ?
Adrian : Oui. Nous voulions être incorporés dans cet univers post-apocalyptique. Les paroles assez imagées permettent cette liberté-là.
Ivan : Ce que l’on propose reste volontairement vague, et les gens en font ce qu’ils veulent. Libre à chacun d’en avoir son interprétation, et c’est cela qui est intéressant. Comme ça, les gens peuvent se faire leur propre film.
Votre pochette d’album est assez futuriste, ainsi que très moderne. Qu’est-ce qui a poussé à faire ce choix esthétique ?
Adrian : C’est le nom de l’album qui a engendré tout cet artwork. A la base, le titre White Colossus nous a sauté aux yeux, et il était évident que cela ferait un excellent nom d’album. Le graphiste s’est imprégné de tout cela, nous lui avons donné la musique et les paroles. Nous lui avons laissé une grande liberté d’agir.
Ivan : La sphère peut représenter une matérialisation physique de la déconnection dans tous ses états. Est-ce que nous allons être complètement écrasés par ça, ou est-ce que l’on va réussir à s’en extirper ? C’est la question qui est posée sur la pochette. A chacun d’y répondre à sa manière, d’y être optimiste ou pessimiste.
Parlons projets : 2018 sera une année promotionnelle pour vous ? Pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Adrian : Le but sera de défendre au maximum notre album, sur scène et partout où nous le pourrons. Le 23 Mars aura lieu la release party. La semaine précédant notre concert, nous serons en résidence dans la salle, mise à disposition pour créer notre ambiance scénique. L’événement aura lieu à la Chapelle Argence à Troyes, le jour de la sortie de l’album. Nous sommes également en train de démarcher les festivals.
Ivan : Nous sommes à bloc depuis un peu plus d’un mois, à raison de cinq ou six heures par jour. Une belle dynamique est en train de naître autour du groupe. On prépare un concert à Paris pour début Mai, qui sera annoncé très rapidement en co-affiche avec deux autres groupes parisiens.
Vous habitez tous les deux au sein de l’Hexagone. Avez-vous pour ambition d’expatrier votre musique et votre activité d’artiste à l’international, notamment dans les pays anglo-saxons ? Ou souhaitez vous au contraire percer avant tout en France ?
Adrian : Nous savons que le métal n’est pas un style mainstream en France. Pour jouer, c’est compliqué.
Ivan : Nous chantons en anglais. Je parle couramment anglais, donc nous comptons mettre le paquet pour l’étranger. C’est notre but. Nous allons jouer là où on peut jouer. C’est en France que tout a démarré pour nous, donc nous voulons absolument avoir notre public ici aussi. Nous sommes ambitieux. Je ne pense pas qu’à l’échelle nationale, en France, il soit possible d’envisager de vivre de notre musique. On va devoir passer par l’étranger pour réaliser cette ambition-là. Tout est ouvert, et nous sommes là pour rester !
Merci à Adrian et Ivan de Disconnected.
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