Motocultor 2024 – DAY2
Vendredi 16 aout – Carhaix
Report & photos By Liønel Båålberith et Thomas Orlanth
Deuxième jour…vendredi…
Une manière élégante de commencer la journée est d’aller festoyer sur la Dickinscène avec Les Compagnons du Gras Jambon. Tout est dans le nom, bien choisi, de cette formation qui allie joyeusement le néofolk médiéval et un certain goût de la fête. Comme à chaque fois, que ce soit au détour d’une fête historique ou sur une scène de festival, l’affaire est entendue et le plaisir est au rendez-vous que ce soit au niveau du public ou des musiciens !
Inhumate
Changement de style sur la Supo, mais pas d’ambiance. La fête est toujours présente, mais avec un côté grind qui fracasse. Les Alsaciens d’Inhumate sont un des rares groupe de grind français qui perdure avec un historique respectable. Christophe, le hurleur déjanté, livre une prestation que l’on pourrait comparer à une bonne droite en plein visage, comme le reste du groupe d’ailleurs. D’ailleurs, à défaut de vouloir se lancer dans une cage de MMA, nous sommes plus proche de l’hôpital psychiatrique en pleine crise. Se frapper avec conviction la tête contre le sol de la scène donne une décoration sanglante bien plus réaliste qu’un peu de sang de synthèse que d’autres groupes affectionnent.
Autrement dit, cela va parfaitement bien avec la musique, plus subtile qu’il ne parait. Ce qui réhausse fort les couleurs du grind, plutôt sous-représenté dans cette édition du Motocultor. Mais on ne peut pas tout avoir non plus sur un festival, surtout qu’on vient d’avoir un show au top qui réchauffe les cœurs (et les corps) !
Slow Fall
Retour sur la Dickinscène avec les Finnois de Slow Fall. Fini la rigolade, place au sérieux et au grand froid du Nord. La lourdeur du death metal mélodique et une touche de désespoir qui va si bien avec le son élaboré caractéristique des formations nordiques. Il n’y a pas à dire, ce n’est pas pour rien que la Scandinavie est la terre du metal. Que ce soit du rapide, du lourd, du sombre, du mélodique, il y a une marque de fabrique. L’interprétation de Slow Fall permet d’être optimiste sur l’évolution du groupe.
Que ce soit sur des titres rapides comme « Vendetta » ou « Polaris », ou des morceaux plus légers (tout est relatif) comme « Gods of Oblivion » qui alterne growl et voix claire de Markus Taipale, les compos du groupe méritent le détour. Un élément remarquable est l’harmonie entre les plages au synthétiseur, la guitare, le chant, la basse et bien sûr les percussions.
Souvent, les groupes qualifiés de « mélodiques », ce qui ne veut pas dire grand-chose d’ailleurs vu que l’on parle de musique, tombent dans le piège de vouloir trop en faire. Ici, tout s’enchaîne comme un orage sur la mer, les vagues et le vent viennent quoi qu’il arrive, mais ensemble dans une harmonie naturelle certes dévastatrice !
Incantation
Le death metal des américains d’Incantation nous plonge dans un autre bain. Son leader, rescapé du line-up originel John McEntee maintient le cap dans les tourmentes d’une météo toujours pas très agréable et assez humide. La musique fait dans le bon vieux old school death metal qui n’a pas inventé le fil à couper « le beurre salé » mais toujours aussi enivrant à écouter. John au long cheveux gris est content d’échanger quelques mots pour galvaniser les troupes et de les motiver en décrochant quelques titres de leur dernier album.
Infected Rain
Pour les avoir vu dans la salle de La Clef à Saint-Germain-en-Laye il y a quelques années je suis toujours aussi impressionné par la prestation des moldaves d’Infected Rain même si ce n’est pas ma musique de prédilection. Il faut reconnaître que certaines personnes sont faites pour être sur le devant de la scène pour prendre la lumière même si le ciel est nuageux.
C’est le cas d’Elena Cataraga alias « Lena Scissorhands » avec sa prestance, sa gestuelle, son look, sa combinaison moulante zébrée comme un animal sauvage, ses dreadlocks qui volent au rythme de son hardcore moderne sans oublier sa façon de chanter et de regarder le public sur des titres qui retournent les auditeurs.
1914
Il me tardait de voir enfin sur scène les ukrainiens de 1914 puisque par trois fois ils furent contraints d’annuler leur venue en France (d’ailleurs pas plus tard que l’année derrière pour le Motocultor). D’abord pour cause du covid-19, puis à cause de l’interdiction de sortie du territoire à cause de la guerre étant donné que ses membres sont tous réservistes.
Musicalement j’adore les ukrainiens de 1914 mais sur scène cela manque de puissance par rapport à ce qu’ils nous sortent sur album comme sur le dernier en date le sublime Where Fear and Weapons Meet. Sur le même thème que les allemands de Kanonfieber avec un décor conséquent nous plongent plus facilement dans les horreurs de la Première Guerre Mondiale. On peut aussi imaginer que la guerre, eux qui la vivent au quotidien doit être actuellement plus difficile à exprimer sur scène. Avec leurs costumes anciens ils s’en sortent très bien et Dmytro Kumar n’oublie pas de brandir le drapeau ukrainien en gueulant « F** war, F** Russian imperalism, F** Putin » dans une musique aux influences pesantes et doom d’un côté et black metal de l’autre.
KK’s Priest
Croiser KK Downing avant qu’il ne monte sur scène n’a pas de prix tellement Judas Priest a compté pour moi. Bref je ne m’attendais pas à une prestation de KK’s Priest aussi envoûtante, puissante, bien exécutée et très bien chantée par un Tim « Ripper » Owens (ex-Judas Priest, ex-Iced Earth…) qui pousse toujours aussi loin son chant dans les aigus. Après avoir joué les titres de leurs derniers albums The Sinner Rides Again sorti l’année dernière, place à Judas Priest… Les interprétations de « The Ripper », « Night Crawler » qui s’enchaînent font chavirer les fans dans des souvenirs assez lointains puisque certains titres ne sont plus chantés par Rob Halford depuis bien longtemps. Sans parler de la fin du set avec « Burn in Hell », « Diamonds & Rust », « Hell Patrol », « The Green Manalishi (With the Two Prong Crown) », « Breaking the Law » pour terminer par « Sinner »… n’en jeter plus la coupe est pleine !
Opeth
Opeth dispose d’une scène lumineuse où les lights s’amusent à nous en mettre plein la vue. Ils vont piocher au travers du sublime Ghost Reveries deux titres ; puis un morceau sur les albums suivant Blackwater Park, Deliverance, My Arms, Your Hearse et Watershed et pour l’humour chère à Mikael Åkerfeldt un « You Suffer » de Napalm Death. Les suédois ne jouent aucun titre de leurs derniers albums plus progressifs…
Faun
Pendant ce temps, à l’autre bout du terrain, une ambiance intimiste propre aux concerts de Faun. La formation néofolk apprécie toujours le contact avec le public. S’ils le pouvaient, ils joueraient certainement au milieu d’un cercle avec un petit feu. Mais évidemment, pour une meilleure visibilité du public, ils sont bien obligés d’utiliser une scène classique !
L’absence de Laura Fella, pour cause de grossesse avancée, se ressent néanmoins. Le groupe a décidé de ne pas la remplacer pendant ses quelques mois d’indisponibilités. C’est Oliver Sa Tyre qui assure une grande partie du chant avec l’aide d’Adaya déjà fort occupée avec ses divers instruments à vent.
Non pas qu’ils n’assurent pas, au contraire, d’autant plus qu’Oliver est déjà le chanteur masculin habituel. Il manque néanmoins quelque chose. Ceux qui auront vu Faun pour la première fois ne s’en rendront peut-être même pas compte, mais voilà, « il manque quelqu’un ». Ceci dit, cette formation quelque peu inhabituelle du groupe restera un bon souvenir.
Aura Noir
C’est l’heure du black’nroll thrashisant des « true norvégiens » de Aura Noir. Le groupe d’Apollyon (ici à la basse et au chant mais parfois derrière les fûts sur d’autres dates par le passé) et d’Agressor toujours sur son tabouret font le job sans oublier Blasphemer (ex-Mayhem) qui délivre une très belle prestation qui nous réchauffe pendant cette nuit bien froide.
Haggard
Entre Igorrr et Haggard, dur choix pour terminer la soirée, mais cela sera sans hésitation Haggard. En effet, c’est quasiment une première en France. Ce groupe de metal symphonique basé en Allemagne a une fort longue et riche carrière depuis sa naissance en … 1989, sous sa forme death metal, qui est toujours présente, mais avec beaucoup de choses en plus ! L’organisation du Motocultor a permis au public français de découvrir ce grand groupe, que ce soit en nombre (dix sur scène ce soir) ou en qualité.
En effet, leur seule date dans l’hexagone date du 23 août 1994 à la mythique salle du Gibus. A quelques jours près, on peut donc dire que cela remonte à 30 ans. Avant de partir en tournée en Chine, la Bretagne a donc pu vibrer aux sons raffinés et puissants d’Haggard. Entre le growl profond d’Asis Nasseri et les prestations des musiciens classiques, avec bien sûr un tenor bassiste et une soprano claviériste, l’originalité et la qualité sont présentes, car ici on ne fait pas les choses à moitié.
Bien sûr, il manque quelques membres de ce véritable orchestre symphonico-death. Mais cela suffit déjà à remplir la scène et les oreilles du public ! Asis laisse d’ailleurs la place vers la fin du concert à la prestation lyrique exceptionnelle de Janika Groß, pour aller tranquillement regarder le spectacle en se glissant discrètement au fond du public, avant de remonter sur la scène à travers la foule pour terminer le show.