TOOL
Accor Arena, Paris. 5 juin 2024
Live report et photos par Martine Varago
Remerciements à Live Nation pour invitation et accréditation.
Comment diable un groupe aussi complexe et aussi peu conformiste que Tool est-il devenu un véritable business ? Habituellement, lorsqu’un groupe atteint un point où il vend des arènes et des festivals en tête d’affiche, il peut renoncer en partie à son authenticité, voire à son individualité pour le faire. Ce n’est pas le cas avec Tool. Il n’y a pas eu de pacte avec le diable utilisant les crypto monnaies. Ce soir à l’Accor Arena de Paris, ils présentent le même niveau d’authenticité qu’il y a 34 ans. Ils ont évolué dans leur expérimentation musicale, mais la gloire, la fortune et l’adulation ne les ont pas fait bouger d’un pouce.
Ce soir, tout est sous un angle différent. Nous jouons par les règles de Tool : pas de téléphone portable durant le show sauf pour la dernière chanson « Stinkfist » pour le public et une seule chanson « Jambi » pour shooter en pro.
Le quatuor californien reste unique de par leur setlist et leurs compositions qui s’entrelacent pour créer à la fois une atmosphère lumineuse de lasers et un son amplement énorme. Au centre de leur univers tumultueux se trouve Danny Carey, avec sa batterie continuellement baignée sous les spots, même lorsque ses collègues musiciens sont plongés dans l’obscurité. Il est évident que sa virtuosité rythmique mène Tool à son apogée. Danny est la perche sur laquelle tout le reste s’enroule. Ses schémas complexes de crescendo récurrents font avancer chaque morceau. Des explorations au tempo africain, sonnant tantôt metal, tantôt rock, Danny explore tout sur cette terre, y compris des sons électros.
Lui et le bassiste Justin Chancellor se sentent comme les principaux protagonistes du groupe, avec le guitariste Adam Jones et le chanteur Maynard Keenan opérant comme dans un second rôle. Mais, à de nombreux moments, ils opèrent dans deux univers parallèles mais interconnectés, crachant une cacophonie de musicalité qui est très variée mais s’assemble pour créer un ensemble cohérent. Chaque morceau est accueilli par le public, sagement assis, car l’Accor Arena est géré ainsi à cette occasion.
Les contributions de la guitare d’Adam Jones sont cruciales, mais aussi modérées. Sa guitare n’éclipse jamais les deux autres musiciens. Au lieu de cela, il parvient miraculeusement à améliorer leur position, tissant entre eux comme une brume mystique.
Et puis il y a Maynard. Une présence étonnante qui reste résolument dans l’ombre. Il fonctionne exclusivement sur ses deux plateformes surélevées. Parfois il marche comme un animal en cage retiré des projecteurs mais toujours avide d’attention. Pendant deux heures et dix minutes, il ne reste jamais immobile, son ombre rebondissant continuellement. Son retrait de l’artère principale vient souligner la présence de sa voix et la crête sur sa tête.
Les écrans de projection se dressent au-dessus du groupe offrant des images d’extra-terrestres ou abstraites. Les visuels sont hypnotiquement compulsifs, tourbillonnant comme dans un kaléidoscope en constante évolution de formes sans conséquence et de textures en constante transformation. Le spectacle de lumière englobe toute l’arène, avec des lasers dansant d’un bout à l’autre.
La première partie du spectacle se termine sur « The Grudge » de façon abrupte.
Après un interlude de 12 minutes, Tool revient. A l’intro, honneur au solo du batteur. Danny s’aventure sur ses fûts et ses caisses, passant de sa batterie gigantesque à sa console placée derrière pour expérimenter des sons électros. Est-ce une expérimentation musicale ou un envoi de signaux sonores à des E.T. ? S’ensuit, après ce solo de plus de 10 minutes, « Chocolate Chip Trip ». Une pluie de confettis inonde soudain l’arène quand le groupe déverse riffs et sons sur« Flood », à la longue phase instrumentale où Maynard n’apparaît qu’au bout de quinze minutes.
Avant de se lancer dans le numéro final « Stinkfist », Maynard, plutôt réservé, déclare que nous avons été si bons qu’il nous permet de libérer nos téléphones et de les filmer. Il ajoute « Où êtes-vous ? Paris ! »
Tool live est une expérience unique. Ce n’est pas seulement un concert, c’est une installation immersive conçue pour titiller chacun de vos sens. Leur musique fonctionne comme un opiacé qui nous transporte dans un voyage psychédélique. Une soirée étonnante assurée par un groupe étonnant !