Among The Living
Interview

Entretien avec Renaud Hantson de SATAN JOKERS

Entretien avec Renaud Hantson au Dr Feelgood à Paris, le 14 Février 2018, à l’occasion de la sortie du best of de Satan Jokers, le 16 Février, nommé « Symphönïk Kömmadöh », enregistré avec un orchestre symphonique.

satan jocker renaud hantson


Q : Renaud, peux-tu nous dire ce qui a déterminé le choix des 16 titres retenus pour ce « best of » ?

Le choix s’est fait au « Pitchtime » à Dourdan, lors un concert de Furious Zoo. Laurent Gauthier était venu de Aix en Provence car il souhaitait voir Furious Zoo en « live ».

Ce soir-là, lors du dîner avant le concert, en compagnie de Michaël Zurita, guitariste de Furious Zoo mais aussi de Satan Jokers, et trois bouteilles de rouges, il a fallu choisir les titres de ce projet.

Il faut rappeler quand même, que la première formation n’a produit que 3 albums au regard des 6 autres réalisés ensuite. Donc Michaël était effectivement bien placé pour participer à ces choix de morceaux.

Donc globalement, on a retenu 2 chansons de chaque album.

Parmi les morceaux retenus, pourquoi ne pas avoir gardé le titre « En partance pour l’Enfer », qui était passé dans l’émission de télévision de Francis Zégut, à l’époque, et avait participé à faire connaitre le groupe ?

Oui c’est vrai que cela a été un titre qui avait marché façon pseudo tube. En fait, je crois que c’est purement naïf de notre part. Le choix d’un titre comme « Phobie » me paraissait avoir plus sa place dans ce que proposait Florent Gauthier que « En partance pour l’enfer« .

Florent aurait sûrement trouvé un arrangement avec sa double culture classique et métal, mais bon…  » Chevauchant nos montures de fers, nous sommes à la recherche de l’aventure… » est-ce qu’à 50 piges, j’ai encore envie de chanter ça ?

Est-ce que ces 16 titres figurant sur l’album sont bien les seuls, ou avez-vous enregistré d’autres titres et que pour répondre au format CD, vous n’avez pu retenir ceux la ?

On est effectivement dans ce format au taquet de ce que l’on peut y mettre avec 80 mn de musique. Et je pense que les titres y figurant sont le bon reflet et la juste mesure.

On aurait pu mettre l’instrumental de Stéphane Bonneau, composé en 83, et je comprends son point de vue. Il aurait effectivement aimé l’entendre avec un orchestre symphonique. Mais il y a déjà tellement d’informations, avec cette « dream team » du métal avec Mulot à la basse, Zurita à la guitare, Ouzoulias à la batterie, c’est déjà riche, tu vois ?

Donc mettre l’instrumental c’était se priver d’une chanson ou il y a une mélodie, ça n’avait pas de sens, ou alors dans un double album ?

Peux-tu nous présenter et nous parler de Florent Gauthier, sa rencontre et la naissance de ce projet ?

Satan Jokers donnait un concert dans un club au « Korigan » à Luynes à côté de Aix en Provence, fin janvier 2016. Le mec vient voir le show, et vient me voir à la fin du concert. Je vais souvent à la rencontre du public, boire quelques verres avec eux…

Et là, Florent m’aborde avec le même vingtième degré que moi. Il me dit ‘t’as dit au micro, tout à l’heure que si t’avais pas une grande idée pour continuer Satan Jokers, t’arrêtais ! », il me regarde et me dit « la grande idée, c’est moi ! », et là je me dit  » c’est bon ça, j’aurais pu l’écrire cette phrase là ! », il rajoute ensuite » non, mais c’est sérieux !!! ».

Et là, il m’explique qu’il est arrangeur classique, chef d’orchestre, prof de conservatoire, et que je dois faire un album de Satan Jokers avec un orchestre symphonique.

Forcément, d’un coup, son idée m’intéresse. Je prends son tel pour le rappeler, car on n’était pas en mesure de parler très sérieux à ce moment avec l’ambiance arrosée, mais aussi parce que je sens que le mec n’est pas un menteur et qu’il est vraiment au niveau de ce qu’il me propose.

Et qu’est ce qui va concrétiser cette rencontre en vrai projet ?

L’appel téléphonique du lendemain, où en parlant je me rends compte très vite de sa double casquette où il parle aussi facilement du métal que de classique, où moi je suis néophyte…

Donc face à son idée, je lui explique qu’i n’y a qu’une solution pour faire cet album. Qu’il gère toute la partie classique, car je sais que ça va être compliqué, et mon ingénieur du son ne saurait pas gérer 40 musiciens classiques, entre temps j’en avais bien sur parlé avec Anthony Arconte, mon ingé son, avec qui je produis tous mes albums depuis plus de 20 ans.

Il fallait écrire les scores de 40 musiciens quand même ! Et je sens que Florent est l’homme de la situation, je pressens que comme nous, dans son jeu, il est bavard…

Florent a dit ok tout de suite, il a fait tous les arrangements.


SATAN JOKERS - Symphönïk Kömmandöh


Et comment se sont rajoutées les parties vocales et instrumentales du groupe sur ces arrangements ?

En fait, il a écrit les scores, il me les a envoyés fait en carton, un synthétique d’abord, pour qu’on voit ce que c’est. À la lecture Zurita, Mulot et moi avons écoutés et rien compris. De ce fait, on en déduit que ça doit sûrement être génial vu l’artiste. J’avoue avoir eu un peu de doutes à ce moment, j’étais très dilettante sur l’album.

Je lui ai laissé, c’est vrai, un peu le nez dans sa « merde ». Il avait voulu le faire, donc propose, envoie ton taf et on verra avec les membres du groupe comment et quoi en faire, car depuis la reformation on a toujours travaillé Zurita chez lui, Mulot aussi, et Ouzoulias et moi dans le studio pour les prises.

Là, Aurel à performé grave, il a dû se taper les 16 morceaux en une journée de studio. Il était plié et avait une grosse crève le lendemain. Mais comme le souligne Aurel, le groupe n’a jamais été aussi bon que dans ce challenge.

Le condensé d’infos entre les arrangements de Florent et ceux apportés par le groupe, nous ont permis de prendre conscience que le choix des morceaux retenus reflétait de très bonnes compositions et que nous avions de très bonnes chansons. Ce mélange de rock, métal, fusion, jazz et pop font que ça fonctionne parfaitement !

Pourtant pour moi, ce mariage est contre nature, je ne vais pas te mentir. Il n’y a pas un album de métal avec un orchestre symphonique que je trouve brillant, planétairement parlant. Cet album est juste comme l’histoire de Satan jokers.

D’ailleurs on le ressent à l’écoute de l’album, cette particularité, et surtout avec un très bon mixage à souligner, non ?

Indéniablement Anthony Arconte a fait un très très gros travail. Et il faut, c’est vrai, le créditer. Il s’est fait chier comme jamais. C’est un vrai partenaire sur mes projets, je ne me vois pas enregistrer un album autrement qu’avec lui.

Il s’est arraché les cheveux, car Florent lui envoyait des pré mix des parties symphoniques qu’il avait réalisé avec son orchestre phocéen de 40 musiciens avec son ingé son d’Aix en Provence, et là Anthony rappelait Florent en lui demandant d’isoler ou faire ressortir les violons, etc… Enfin des trucs techniques, quoi.

Revenons sur ce titre et sa particularité grammaticale : « Symphönïk Kömmandöh ». À la première lecture, j’ai pensé à une idée de Pascal Mulot. Mais il n’en ait rien. Peux-tu nous expliquer ce choix ?

Ha…ha…Déjà, Pascal aime autant que moi Magma. Car c’est évidemment un clin d’œil et hommage à un des groupes qui a influencé Satan Jokers des années 80 à aujourd’hui, avec Christian Vander à la batterie, qui reste une de mes idoles absolues, et ce titre fait donc référence au titre de l’album « Mekanïk DestruKtïw Kommandöh« , sorti en 73.

Un album chanté en Kobaïen, langage inventé par Christian Vander. Il est fou, barré, mais c’est un compositeur de génie. Le choix du titre a donc plu à tout le monde et, il est vrai, à Pascal Mulot. Qui sans rentrer dans les détails, pour ceux qui le connaissent, à beaucoup d’humour !

Laurent Karila, le 5e membre du groupe, te définit comme son neurone miroir. Qu’en est il ?

En effet, c’est parce qu’on est des frères tout simplement. La thérapie que j’ai faite avec lui était un peu tronquée. Dès le 2ème rendez-vous à l’hôpital Brousse, à Villejuif, on bouffait des Sushis ensemble en écrivant l’album « Addictions« , tu vois…

Il m’a donné des codes pour me défaire de l’addiction à la drogue comme un frère, pas comme un psychiatre. Et c’est un vrai fan de Métal !

N’a-t-il pas pris un risque neurologique à côtoyer les membres de Satan Jokers ?

Non, car le mec il est déjà un peu fou naturellement, sans substances. Comme les autres membres du groupe d’ailleurs. Michael serait peut-être le plus Rock’n’roll des trois, Pascal boit 3 verres de vin et va se coucher, Aurel aurait peut-être un côté psychopathe au rhum arrangé, qu’il fabrique lui même !

En fait, le malade du groupe c’est moi. Donc sa rencontre de fait via un post sur Facebook où je dis qu’il est grand temps que je démarre une thérapie, que je démarre dans un premier temps avec un addictologue à côté de chez moi. Laurent me dit alors qu’il est peut être plus à même de m’aider.

Comme il est l’un des meilleurs sur les cames pseudo stimulantes, la rencontre se fait très vite. Et tout de suite il me dit de faire comme Nikki Sixx avec son livre, et d’écrire un album concept et du coup il se place, mais comme un frère. Pas comme quelqu’un qui vient me fourguer des textes qu’il aurait dans ses tiroirs.

Et boom : l’album Addictions a été fait en 13 jours, il a écrit 13 textes et les morceaux ont été réalisés simultanément.



Quand on regarde le parcours du groupe, depuis la reformation de 2009, on remarque ce triptyque parlant de la drogue, des maladies psychiatriques et du sexe. Comment explique-tu la créativité et l’unité de ce groupe ?

Sûrement du fait que l’on ne se voit pas tout le temps. Il a fallu une bonne année pour se trouver et stabiliser le groupe. Avec Pascal, on a eu un peu de mal à se trouver au début, puis très vite on a compris que l’on avait perdu trop de temps, que l’on aurait pu faire plus de choses ensemble. Une forme de maturité.

Comme si on avait à la fois plus rien à gagner mais aussi plus rien à perdre, donc on avance. Comme le dit Pascal « envie de laisser une trace ». Ça tient parce que ce sont des mecs brillants, parce qu’on se fend la gueule quand on est ensemble, qu’on n’aime pas répéter. Quand on fait un festival ou un concert, on répète dans les loges.

Et les autres groupes nous voient, en version « Unplugged » avec la guitare et la basse qui ne sont pas branchés et Aurel qui se tapent les cuisses, et moi qui chantouille comme une merde. Et ça nous cale, c’est notre répétition. C’est ce côté pro, fidèles, avec la compréhension de l’autre qui font que ça tient.

Comme le dit ta femme à tes côtés, et à juste titre, après c’est que du « Bonus », elle a complètement raison ! Tiens d’ailleurs ça faut que je te le vole pour la suite des interviews. Hé…hé… !

Satan Jokers ne tourne pas tellement, pourtant vous aviez fait le Hellfest lors de la reformation en 2009. Est-ce un problème de promo ou une volonté du groupe ?

Effectivement, on ne tourne pas tant que ça, mais ce n’est pas un problème de promo. Déjà en 2009 Réplica promotions avec qui nous travaillons pour la promo (Olivier Garnier et Roger Wessier) nous avait programmé au Hellfest, et nous continuons toujours à avancer ensemble. Je ne me vois pas me passer d’eux.

Mais c’est vrai, comme beaucoup de groupes en France, que nous n’avons pas de management et producteurs. Et nous ne voulons pas non plus nous brader. Nous sommes tous musiciens professionnels et n’avons pas de métiers à coté. Donc ceux qui nous veulent, faut qu’ils aient un petit budget, quand même.

Nous pourrions très bien revenir sur un grand festival comme le Hellfest ou le Download, mais cela se fera conjointement et via Olivier et Roger qui nous représentent.

2019, une année un peu spéciale, non ? si on énumère : 40 ans de la formation initiale de « Jarretelles », groupe prémice à Satan Jokers, dixième édition du Satan Fest, dixième anniversaire de la reformation du groupe, donc je pense que tu vas marquer le coup ?

R : C’est vrai. Tiens, j’avais pas vu le coup des 10 ans de la reformation… Comme quoi, c’est bien les interviews, des fois. Bon, oui le Satan Fest qui aura lieu en Janvier 2019 fêtera sa dixième édition et à cette occasion nous rejouerons l’intégralité de l’album des « Fils du métal » !

Et après ? Quid de la suite pour Satan Jokers ?

Tu sais, ça fait 7 ans déjà que je me dis, bon c’est bon, on va pas gueuler comme ça jusqu’à 60 ans comme certaines de mes idoles. Et en fait, quand je les vois, je suis content. Je me dis que c’est bien que Judas Priest sorte un nouvel album, et j’ai envie de l’acheter. Donc oui, je pense qu’il faut qu’on arrête, mais…

Laurent Karila, ça fait 2 ans qu’il me fait chier avec une idée d’album concept sur la fracture sociale, mais sans vouloir faire du Trust. Je lui ai dit, envoi les textes, et on verra. Comme souvent cela se passe. Je ne croyais pas du tout dans les textes de Sex Opéra qu’il m’avait envoyé.

Mais une fois corrigé, je me suis rendu compte qu’on allait avoir un grand album. Donc, la… Fracture sociale… pourquoi pas ?

Sinon, ne pourrait-tu pas faire un album « Unplugged », avec les chœurs de l’armée rouge ?

Alors ça c’est déjà une idée de Pascal Mulot, l’album acoustique. Moi j’en ai pas très envie. Je pense que l’on décevrait une grosse frange qui nous aime pour ce coté justement, bien électrique ! Donc je ne connais toujours pas la suite, tu vois ?

Merci Renaud
Merci à toi !

Dr Feelgood

Related posts

Interview du groupe WARFUCK

Emmanuelle Neveu

Entretien avec Jennifer Gervais, chanteuse de DUST IN MIND

Stephan Birlouez

Entretien avec Frederic LECLERCQ de DRAGONFORCE

Emmanuelle Neveu

Lacher un commentaire

* Utiliser ce formulaire implique que vous êtes d'accord pour que nous stockions les informations que vous nous confiez.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.