Nous avons rencontré Maxime Beaulieu, le pilier d’EMBRYONIC CELLS, pour discuter de leur nouvel opus Decline, mais pas que…
Nous nous sommes rencontrés il y a un peu plus d’un an pour la sortie de ton précèdent opus Horizon, comment te sens-tu en cette période compliquée et quelle influence a eu la Covid sur la sortie de Decline ?
Maxime Beaulieu : Cette pandémie a surtout eu un impact sur la manière dont on allait défendre cet album. Initialement il y avait deux tournées de prévues, une en Europe de l’Est et l’autre en France, et évidement tout a été stoppé. Pour nous c’est extrêmement frustrant car on avait vraiment à cœur de défendre cet album sur scène car nous sommes avant tout un groupe de potes qui aimons jouer et partager avec le public. C’est vraiment ça notre cam.
Le Line up a changé. Pierre Touzanne a cédé sa place de bassiste à Fred Fantoni, et Pierre Le pape ne fait également pas partie de l’aventure. Comment cela se fait-il ?
Max : Oui effectivement (rires). Pierre Le Pape, qui nous accompagnait depuis près de 13 ans au sein d’EMBRYONIC CELLS, est quelqu’un qui a une multitude de projets musicaux, et qui est très sollicité. Cette diversité conjuguée à une délocalisation géographique personnelle en 2019 ont fait qu’il a dû faire des choix et qu’il a donc quitté EMBRYONIC CELLS. Nous sommes bien évidement toujours en très bons termes avec notre pote Pierre. J’ai plutôt tendance à voir des opportunités dans l’adversité, et ce changement de line up et l’éviction des claviers ont eu une forte emprunte sur notre manière de composer.
Pour ce qui est de Pierre Touzanne, c’est l’éloignement géographique qui a eu raison de notre collaboration, et il s’est tourné vers d’autres formations. C’est là aussi une décision commune et le plaisir de jouer avec lui reste intact bien sûr, c’est ancré dans l’adn d’EMBRYONIC CELLS. Nous avons donc intégré notre nouveau bassiste Fred Fantoni au sein du groupe.
Il s’était passé 6 ans entre The Dread Sentence et Horizon, et là un peu plus d’un an entre celui-ci et Decline. Embryonic Cells a-t-il trouvé son rythme de croisière ?
Max : Il est vrai que quand on regarde la discographie d’EMBRYONIC CELLS il y a des écarts colossaux entre certains albums. Cette attente a été générée parfois par la posture du penseur de Rodin, parfois surement qu’on se posait trop de questions ou on ne faisait pas assez confiance à nos intuitions, et parfois ce genre d’attitude peut générer de la procrastination. Aujourd’hui il est clair qu’EMBRYONIC CELLS n’a jamais eu autant envie de produire des trucs et de s’inscrire dans un rythme un peu plus régulier. C’est peut-être un signe de maturité.
Le précèdent opus était sorti chez Apathia Records. Comment vous êtes-vous retrouvé chez MusikOeye ?
Max : L’aventure chez Apathia Records s’est terminée avec la fermeture de ceux-ci, et c’était vraiment triste pour nous. On avait un très bon feeling avec l’ensemble du staff et nous étions très fiers de faire partie de cette écurie. C’est lors d’un concert sur Paris organisé par MusikÖ_eye qu’on a rencontré Gérôme Théodore avec qui nous avons directement matché. La boutique EMBRYONIC CELLS fonctionne à la passion et l’humain, et c’est la même chose pour Gérôme.
Durant notre précédente rencontre tu nous disais ne pas être à l’aise avec ta voix et particulièrement en studio. Ton rapport à celle-ci a-t-il changé avec l’enregistrement de Decline ?
Max : Sur Horizon, au niveau du chant, il y avait déjà un tournant qui avait été amorcé notamment concernant les chants clairs. Clairement Decline offre une part belle au chant clair. Bizarrement cela s’est fait de manière assez naturelle et fluide, c’est aussi le fruit d’influences, notamment de Depeche Mode que j’affectionne particulièrement par exemple. En gros s’il il n’y a pas le prisme du plaisir, de l’hédonisme, c’est simple : je ne fais pas.
Ce passage en studio s’est plutôt bien passé.
Tu as toujours cette approche de chant un peu « parlé » (comme sur Devoid Of Promise), avec une petite touche Cold Wave. C’est ta marque de fabrique ?
Max : Je suis retombé sur du vieux matériel de mon adolescence avec plein de trucs hyper intéressants, notamment de ma période « Cold », et il est très vraisemblable qu’EMBRYONIC CELLS cultive à l’avenir ce côté-là.
J’ai trouvé qu’il y avait un cheminement assez similaire à Horizon sur Decline. Il commence brutalement et se pose au fil des compos.
Max : C’est vrai qu’il n’y a que peu de choses de préméditées concernant la « déambulation » des titres, car notre process de composition produit à la base beaucoup de morceaux. A la base pour Decline on avait un peu moins d’une vingtaine de titres, et on procède ensuite à un « écrémage » pour n’en garder que 7 ou 8. Il a donc fallu ordonner des choix.
C’est intéressant le regard que tu portes sur Decline car l’idée c’était d’avoir une sorte de défilement en montagnes russes avec des moments medium, d’autres plus brutaux ou encore plus planants.
Parle nous un peu des thèmes évoqués sur Decline. As-tu encore de l’optimisme quant à l’avenir de l’humanité ?
Max : Comme tu peux l’imaginer, avec un titre comme Decline, on n’aborde pas des thèmes très joyeux. Sans être un concept album, il y a quand même un fil rouge narratif. Les morceaux s’accrochent entre eux pour s’inscrire dans une espèce de récit. Decline témoigne de la façon dont notre monde s’effondre et d’une manière quasi invisible. Aujourd’hui on assiste à une multiplicité des signaux que nous envoient nos écosystèmes, à l’image de la pandémie que l’on traverse aujourd’hui.
Decline essaye de décrire notre incapacité collective à réagir à ces signaux, et à cultiver le dénie. Je pense que c’est lié à une sorte de vanité humaine. Culturellement, l’humanité s’est toujours plue à penser être en dehors de la nature, et qu’elle pouvait la dominer comme un théâtre de ressources ou de la voir comme un décor en quelque sorte. Alors que fondamentalement l’homme est à l’intérieur de la nature et de son écosystème. La survie de l’homme dépend de la bonne santé de cet écosystème.
Entre nous je ne suis pas trop inquiet pour la planète, elle sera encore là dans des millions d’années. Mais elle se sera débarrassée de nous comme d’un parasite.
Decline est une espèce de conte « collapsologique » en fait avec en toile de fond un Tic-Tac de plus en plus bruyant.
Tu es très actif, à titre personnel, sur les questions d’écologie et de politique environnementale. Tu penses qu’il y a une porte de sortie pour l’humanité ?
Max : J’ai plutôt une nature personnelle à voir l’opportunité dans l’adversité. Je pense que cette pandémie a généré des morts. Il va de nouveau y en avoir. Elle génère une charge mentale pesante, elle génère un contexte liberticide et malgré tout il y a pleins de choses positives qui en ont émergées.
De ce contexte ont émergé une certaine solidarité, des collectifs qui se sont fédérés autour de la conduite du changement, de la transition, sur de nouvelles façons de consommer, de la bienveillance entre les voisins, plein de choses comme ça qui produisent de la positivité dans une situation dramatique.
Le gros enjeu aujourd’hui c’est notre mémoire. Avoir la capacité à retenir la leçon et à engager la conduite du changement.
Parle nous un peu de la vidéo You’re So Full Of Fear. C’est une réalisation « maison » ? On y voit un Beaulieu de crédité pour l’image et le montage.
Max : Thimoté Beaulieu est mon frère. Nous avions eu une première expérience avec lui sur Horizon pour illustrer le titre « Never Let You Fall » et nous avions pris un grand plaisir collaboratif avec lui. Donc on a réitéré l’expérience et on ne le remerciera jamais assez car je trouve qu’il a un vrai regard et un talent de monteur. Le challenge était conséquent car You’re So Full Of Fear est un titre de 7 minutes et ce n’est pas évident de capter l’attention du spectateur jusqu’au bout.
Est-ce toi qui t’es occupé de la pochette de l’album, comme avec Horizon ? Que représente l’image du cheval au galop et en feu ?
Max : Oui c’est encore moi qui me suis occupé de l’artwork pour Decline. Le symbole du cheval en feu représente ce que l’on évoquait précédemment, à savoir le vivant qui est en danger. C’est une manière symbolique de signifier le fameux bruit du Tic-Tac dont on parlait.
Comment analyses-tu l’évolution d’Embryonic Cells musicalement ? Est-ce quelque chose qui coule de source pour toi ou te remets-tu un peu en question à chaque album ?
Max : C’est une vraie question car c’est typiquement le type de débat qui anime EMBRYONIC CELLS actuellement. Est-ce que l’on essaye d’instaurer une espèce de ligne éditoriale très définie pour le prochain album ou est-ce que l’on continu à produire beaucoup de morceaux et d’écrémer à la fin ? C’est actuellement une question en gestation. Là j’ai l’impression, pour avoir entamé quelques débats avec Djo (batterie) et Fred (Basse), qu’on ne va pas se prendre la tête et de nouveau se faire confiance sur ce que l’on trip à jouer lors de nos jams.
Quelles sont vos influences à tous, ce qui vous inspire aujourd’hui ?
Max : Les miennes sont diverses et variées. J’écoute énormément de Métal, mais aussi du Jazz, de la Bossa Nova, de la musique classique. Je me découvre une passion pour le Mambo (rires), énormément de New Wave Synth, des BO de films. Je pense que Djo et Fred sont eux aussi dotés de multiples appétits musicaux.
Cela engendre quelque chose de très hybride au sein d’EMBRYONIC CELLS, comme par exemple la part belle faite à la basse sur Decline. Nous avons pour projet également d’incorporer un second guitariste au sein du groupe. Il est évident que d’un point de vue créatif cela va générer tout un tas de choses que l’on espère surprenantes.
Que va-t-il se passer pour EMBRYONIC CELLS dans les mois à venir et comment vous projetez vous dans le « post Covid » ?
Max : L’idée aujourd’hui c’est de lancer nos filets vers les organisateurs de concerts pour projeter des choses fin 2021 voir 2022. C’est hyper frustrant quand un groupe ne peut pas défendre ses morceaux, établir un lien avec son public sur scène. Se pose alors la question de savoir comment garder ce lien ?
Nous avons en réflexion d’extraire un second morceau pour un nouveau clip, et surtout de recomposer.
Comment envisagez vous de cultiver le lien avec vos auditeurs (entre deux albums) à l’heure du tout numérique et des modes de consommation de la musique au titre ?
Max : Je suis très intéressé par coproduire des titres avec d’autres groupes, ou de participer à des compils dans le cadre d’un album de cover par exemple. Multiplier les petits rendez-vous, pour simplement le plaisir, et de partager de manière plus régulière.
Et le live numérique ?
Max : Je ne suis pas forcement un très grand fan du truc car ma culture vient à la base de la scène et de l’échange avec le public. Mais il y a peut-être de la valeur ajoutée à y trouver, de la créativité à mettre là-dedans ou à réinventer le concept.
Le mot de la fin est pour toi.
Max : Quand on reviendra à la « normale », n’oubliez pas de revenir aux concerts et de soutenir les grands festivals, les petits également, les petits groupes. Il se passe plein de choses en France et autre part. Retrouvons-nous tous autour du totem Métal pour boire des bières.